Une main étrangère dans le fichage ethnique des fonctionnaires au Burundi ?: Qui est MediaBox Digital, la compagnie qui a fait la collecte des données ?

« MediaBox Digital est une boîte où exercent des agents qui ont des connexions avec des entités proches de l’Etat Français. Ils ont été formés en France, c’est vrai, mais cela ne signifie pas qu’ils travaillent tous nécessairement pour les services secrets français », explique une source proche des dossiers sécuritaires au Burundi. Donatien Ndayishimiye, le patron de MediaBox Digital, un brillant ingénieur, formé en France, multilingue, dispose aussi de puissants relais aux Etats Unis d’Amérique où il aurait été formé (à Boston). Qui a payé sa formation aux USA ? Personne ne le sait.

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Burundi Daily
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14.11.2020
Categorie:
Gouvernance

C’est seulement au Burundi où le pouvoir peut confier la récolte des données de ses citoyens à une compagnie privée dont le propriétaire est connu pour avoir des connexions avec des services secrets étrangers. Donatien Ndayishimiye, le patron de MediaBox Digital, selon des sources proches des services secrets burundais, serait très proche des entités françaises sous contrôle ou très proches des services de sécurité de l’Etat Français.

Des ingénieurs en informatique, Africains pour ne pas attirer l’attention auraient été dépêchés pour travailler dans MediaBox Digital. Un génie en informatique d’origine sénégalaise notamment, développerait depuis Bujumbura des applications pour « traiter » des données.


Mais rien ne prouve que MediaBox Digital soit au service des entités liées aux services français de sécurité uniquement. « MediaBox Digital est une boîte où exercent des agents qui ont des connexions avec des entités proches de l’Etat Français. Ils ont été formés en France, c’est vrai, mais cela ne signifie pas qu’ils travaillent tous nécessairement pour les services secrets français », explique une source proche des dossiers sécuritaires au Burundi. Donatien Ndayishimiye, le patron de MediaBox Digital, un brillant ingénieur, formé en France, multilingue, dispose aussi de puissants relais aux Etats Unis d’Amérique où il aurait été formé (à Boston). Qui a payé sa formation aux USA ? Personne ne le sait.

Qui est Donatien Ndayishimiye, le patron de MediaBox Digital?

De retour au Burundi, après plusieurs années dans des grands groupes informatiques en Europe, Donatien Ndayishimiye va gérer l’Office National de Télécommunications (ONATEL) et tout le réseau téléphonique de cette compagnie étatique de communications téléphoniques. En même temps, il est conseiller en stratégies du fameux Service National de Renseignement. Il profite alors de son poste à l’ONATEL pour infiltrer le réseau téléphonique du pays. « Les lignes téléphoniques fixes à Bujumbura sont des véritables passoires». Mais ça tout le monde le sait.

Donatien Ndayishimiye use du nom de Mfumukeko sur LINKEDIN, le réseau des professionnels

Frère de Libérat Mfumukeko, ancien directeur général de la Régie de Production et de Distribution de l'Eau et de l'Electricité au Burundi ( REGIDESO) et actuel secrétaire général de l'EAC, Donatien (Mfumukeko) Ndayishimiye devient rapidement très puissant au Burundi, il sera au cœur de l’implantation de la fibre optique et du réseau internet et il aurait, par la même occasion, infiltré les réseaux internet de certains dirigeants burundais. Beaucoup s’interrogent d’ailleurs sur la fuite de certaines informations sensibles, précises, notamment sur les transactions bancaires de certains hommes d’affaires proches du CNDD-FDD, des informations qui filtrent constamment vers des services de renseignements des pays étrangers.

Des organisations internationales et entités étrangères seraient en possession des informations compromettantes sur certaines autorités du pays par le biais de ces canaux étrangers. Des informations, qui des fois confirment leur implication dans de crimes divers au pays. Il est désormais connu que des hauts dirigeants du pays détiennent des biens immobiliers et/ou des avoirs dans des pays étrangers, parfois sous de prête-nom, et qu’ils ou des membres de leur entourage occupent des postes de direction dans plusieurs sociétés basées à l’étranger, notamment en Afrique du Sud et au Kenya. Les noms des banques, numéros de compte et toutes les transactions bancaires de certaines personnalités seraient régulièrement tracés et transmis. Par qui ? On ne saura le dire avec précision, mais ce qui est sûr, celui qui a transmis ces informations est un bon connaisseur du réseau internet burundais par lequel transitent ces données. Ici aussi, Donatien Ndayishimiye est pointé du doigt.

Démasqué en juin 2018, les services secrets burundais ont découvert la double face de Donatien Ndayishimiye, le patron de MediaBox Digital, après une fuite d’une « information », jamais confirmée, faisant état de transactions bancaires illicites via l'agence burundaise de la Kenya Commercial Bank (KCB). Ces transactions impliquaient le feu Président Nkurunziza et l’ancien Président de l’Assemblée nationale, Pascal Nyabenda.

A l’époque, l’homme fort de MediaBox Digital avait lancé son propre média, «Ikiriho ». L’info est restée en ligne sur son site moins de 25 minutes, avant d’être retirée, mais c’était trop tard. Les services secrets burundais l’avaient déjà lue et découvert qui était cet homme qui se décrivait dans Jeune Afrique  comme «l’homme de réseaux » ,

Furieux, le patron du SNR de l’époque va frapper fort : Ikiriho, le médium de Donatien Ndayishimiye qui avait publié cette indiscrétion est suspendu pour « une durée indéterminée ». Il reste d’ailleurs suspendu. Son patron est arrêté avec 3 hommes « d’affaires français » invités au Burundi par ce même patron de MediaBox Digital. En réalité, les services secrets burundais auraient découvert qu’ils étaient des agents des services secrets français. Les réactions de la France à cette arrestation de « simples hommes d’affaires » sont d’ailleurs très instructives. Très rapidement, l’Elysée est mobilisé de même que les médias français, dont RFI. L'ambassade de France au Burundi qui s'était mobilisée pour faire libérer Donatien Ndayishimiye et ses amis français avait déclaré à RFI que « Nous faisons notre travail et la discrétion est de mise ».

Les pressions de la France sur le pouvoir ont été tellement fortes que Pierre Nkurunziza a vite relâché cet « homme de réseaux » tout en gardant désormais un œil étroit sur lui.

Après sa libération, très riche déjà, Donatien Ndayishimiye se fait discret tout en continuant à faire, refaire et construire son réseau. Il va se rapprocher de plusieurs grands officiers de l’armée et de quelques hommes d’affaires importants. C’est avec la disparition inopinée de Pierre Nkurunziza qu’il refait véritablement surface avec MediaBox Digital, une boîte spécialisée en «intelligence des affaires».


Quid de ce recensement mené par MediaBox Digital?


La récolte des données des citoyens est un acte hautement stratégique et sensible. Il ne peut être confié qu’à un service de l’Etat, ou tout au moins sa mise en action doit être contrôlée par un service d’Etat. L’Etat Burundais dispose d’un service compétent : l’Institut de Statistiques et d’Etudes Economiques du Burundi. Or, cet institut n’a pas été associé à ce recensement.  

Normalement, c’est à l’ISTEEBU qu’incombe ce genre d’enquête qui ne se décide pas à la légère et qui s’opère sur des règles bien claires. Pour un procédé aussi stratégique que recenser les fonctionnaires de l’Etat, L’ISTEEBU aurait d’abord constitué une commission d’experts, de professeurs d’universités dans laquelle se retrouveraient des démographes des statisticiens, des urbanistes, des agronomes, des environnementalistes, des spécialistes en santé publique. Bref, tous les spécialistes concernés par le développement intégré d’un pays. C’est cette commission de l’ISTEEBU qui aurait déterminé un questionnaire plus intelligent en phase avec les enjeux de développement du Burundi.

Or, MediaBox Digital a présenté un questionnaire décousu, qui va dans tous les sens. En quoi par exemple, une adresse e-mail privée, le numéro de téléphone « 1 » et « 2 » d’un simple fonctionnaire sont-ils intéressants pour le développement du pays?


Un questionnaire fait sans considération à la vie privée


Plus grave, ce sont aussi des atteintes à la vie privée que MediaBox Digital a introduit dans ce questionnaire. C’est de l’occupation des sols au Burundi, des surfaces cultivables, de la répartition de l’eau et l’électricité, des centres de santé, des écoles, de démographie qu’il faudrait parler. Sur tous ces thèmes de développement, l’ISTEEBU a une longueur d’avance.

D’abord, l’institut est partenaire de plusieurs organisations dont Afristat, « Observatoire Economique et Statistique d'Afrique Subsaharienne » ; l’ISTEEBU, travaille avec des partenaires tels que la Banque Mondiale.

Enfin, l’ISTEEBU dispose déjà des ressources documentaires propres, diversifiées, dont il faut faire des « mises à jour ». L’ISTEEBU aurait pu mener une réflexion et conduire cette enquête. Ainsi, l’Etat burundais se prive d’un précieux prestataire loyal, compétent, en faisant appel à un service privé douteux.

Et surtout qui n’est pas susceptible de vendre des données. Pour un privé, ces données c’est simplement une marchandise.

Des questions importantes sans réponse et une erreur politique grave

Une boîte qui travaille gratuitement ?

La présidence du Burundi n’a pas mis un sou dans cette enquête. Or Mediabox Digital est une boîte privée. Et aucun privé ne travaille pour rien. Cela signifie que quelque part quelqu’un paie les frais énormes liés à l’enquête. Qui ? Le pouvoir burundais semble avoir oublié que celui qui détient l’information détient le pouvoir. Plusieurs entités (nationales et étrangères) pourraient avoir intérêt de se procurer les résultats de cette enquête. Et Mediabox Digital doit rentrer dans ses frais. C’est normal. L’information est une « marchandise ». Les adresses email, les numéros de téléphone personnels, c’est de l’or pour les compagnies de téléphonies notamment.

Pourquoi cette grave erreur sur la politique du CNDD-FDD ?

Sur le plan politique, en insérant la question ethnique, qui relève des accords d’Arusha, la boîte MediaBox Digital a commis une grave erreur politique qui entache l’image du pouvoir. L’enquête peut être considérée comme une sorte de fichage politico ethnique. Et c’est justement ce que dénonçaient les organisations des droits humains ainsi que les opposant du pouvoir. Or, le CNDD-FDD, veut justement dépasser cela. Cette enquête, avec un questionnaire très mal fait est un fiasco sur plusieurs plans.

Le gouvernement devrait rapidement arrêter, reprendre en main, récupérer et mettre en sécurité les données déjà collectées. L’ISTEEBU devrait être le leader de ce genre de travail quitte à sous-traiter certains aspects de l’enquête et les confier à des privés, pour autant qu’ils aient les compétences techniques.

Pour qui roule MediaBox Digital et son patron?

A ce jour, personne ne peut répondre à cette question : pour qui roule « MediaBox Digital », cette boîte qui mène « à ses frais » une enquête qui engage l’Etat ? Personne. Même au sein du gouvernement. C’est cela la force d’un « homme des réseaux ».

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