Bilan peu glorieux des 100 premiers jours du général Evariste Ndayishimiye

« Il avait été présenté dans les médias burundais et sur les réseaux sociaux notamment comme un homme plutôt modéré, plutôt ouvert, en tout cas plus ouvert que son prédécesseur Nkurunziza. Finalement, on s'est rendu compte assez rapidement qu'encore une fois c'est la ligne conservatrice du pays qui l'emporte, qui a le dessus », a déclaré Valeria Alfieri.

Par
Burundi Daily
on
19.10.2020
Categorie:
Gouvernance

Le bilan des 100 premiers jours du régime burundais, piloté par le président Evariste Ndayishimiye est loin d'être reluisant, contrairement aux divers pronostics, a déclaré ce week-end sur RFI Valeria Alfieri, chercheuse spécialiste de l'Afrique des Grands lacs à la Fondation Jean-Jaurès.

De l'avis de cette chercheuse, le bilan des trois premiers mois du nouveau régime est d'autant plus décevant que l'élection de Ndayishimiye avait suscité beaucoup d'espoir.

« Il avait été présenté dans les médias burundais et sur les réseaux sociaux notamment comme un homme plutôt modéré, plutôt ouvert, en tout cas plus ouvert que son prédécesseur Nkurunziza. Finalement, on s'est rendu compte assez rapidement qu'encore une fois c'est la ligne conservatrice du pays qui l'emporte, qui a le dessus », a déclaré Valeria Alfieri.

Mais pour ceux qui suivent de très près l'évolution de la situation depuis plusieurs années, ce bilan peu glorieux n'a rien d'étonnant.

« A posteriori, cela n'a rien de très étonnant, car le parti au pouvoir est toujours le même, le système reste le même et les membres du gouvernement demeurent inchangés. Donc, on peut clairement dire que le régime de Ndayishimiye se situe dans la continuité de celui de Nkurunziza », a-t-elle fait remarquer.

En mal de popularité à cause de ses vastes et mémorables dégâts, le CNDD-FDD aurait décidé d'en commettre davantage pour instaurer une dictature à la Duvalier.

«Le CNDD se sent dos au mur. Il sait bien qu'il ne peut plus compter sur un large soutien populaire comme cela avait été le cas en 2005 et probablement encore en 2010. Du coup, sa réponse est le repliement sur soi et la mise en place de modalités de l'exercice du pouvoir de plus en plus arbitraires et violentes », poursuit la chercheuse.

Pour remonter la pente, le général Evariste Ndayishimiye aurait dû, par exemple, réhabiliter le pluralisme politique au sein des institutions, favoriser le retour des leaders de l'opposition en exil, démanteler ou démilitariser des Imbonerakure, accepter le droit à la critique ou encore faire des libertés civiles et politiques le fondement de la démocratie.

Valeria Alfieri s'inquiète aussi de l'isolement du nouveau Président burundais qui, comme son prédécesseur, boude les grands fora de ses collègues, notamment au niveau régional.

Selon Valeria Alfieri, cet isolément procède de la méfiance entre le Rwanda et le Burundi.

« J'ai l'impression que l'élection du nouveau président en RDC a fait basculer les équilibres de pouvoir et les alliances au niveau régional. Et que cela a aussi contribué à exacerber les tensions entre le Rwanda et le Burundi, qui s'accusent réciproquement de soutenir des mouvements armés. Et on peut probablement expliquer l'absence de Ndayishimiye à ce meeting régional par ce bras-de-fer avec le Rwanda pour l'extradition d'opposants politiques burundais et des personnalités qui sont accusées par le gouvernement burundais d'avoir participé à la tentative du coup d'État de 2015 ».

Cette analyse froide de la situation qui prévaut au Burundi, trois mois après la prise de fonction du nouveau président Evariste Ndayishimiye a, comme d'aucuns s'y attendaient été très suivie par les autorités burundaises. Elles ont naturellement la rage au cœur.

L'ambassadeur Willy Nyamitwe, chef de bureau en charge de la communication à la présidence de la République a évoqué, dans un tweet, « des positions tranchées de Valeria Alfieri qui n'a jamais porté le CNDD-FDD en odeur de sainteté ».

«On ne peut logiquement s'attendre qu'à une analyse bâclée, politiquement motivée», a-t-il conclu.

Tags: