PARTIE 2 - BUSANGANA Le 19/10/1965 : Les premiers massacres de masse à caractère génocidaire commis au Burundi

En vous partageant ces lectures qui sont limités sur cet événement, j’avais plus d’interrogations que de réponses. Car le changement viendra des Burundais eux-mêmes. Chacun est appelé donc à se demander jusque quand continuerons nous à avancer les yeux fermer comme si les burundais étaient prédestinés à vivre une vie de misère, galère, de guerres interminables et d’intolérances. Quel avenir sommes nous en train de préparer à nos enfants ? Que faut il faire pour arrêter ce film d’honneurs qui empêche notre pays de rayonner dans le concert des Nations

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Opinion
DEUXIEME PARTIE (-FIN)

L'origine des devisions dans le contexte historique

Pour placer l’origine des divisions ethniques dans le contexte historique,  il faut souligner que depuis la publication du manifeste des Bahutu en 1957, et le renversement de la monarchie au Rwanda, les Batutsi sont considérés comme des envahisseurs ou des étrangers. Le pays n’appartiendrait qu’aux seuls Bahutu . Notons qu’à cette époque le Rwanda et le Burundi constituait un seule pays sous tutelle Belge.  Dans son ouvrage Ethnicité et politique : Crises du Rwanda  et du Burundi , Jean Pierre Chrétien souligne qu’ en mai 1960 le Comité national du Parmehutu déclare que « le Rwanda est le pays des Bahutu (Bantu) et de tous ceux, blancs ou noirs, tutsi, européens ou d'autres provenances, qui se débarrasseront des visées féodaux-colonialistes: les Tutsi, considérés comme des étrangers, sont à peine tolérés dans leur propre pays et même invités  à se réinstaller chez leurs pères en Abyssinie » . Ce genre de discours sera propagé aussi au Burundi par certains politicards qui misaient sur une démocratie communautaire pour prendre le pouvoir après avoir exclu une composante de la Nation Burundaise. Ce discours qui se retrouvaient en vogue à l’époque  reste hélas encore tenu par certains extrémistes du Burundi et de la Région.

Pour comprendre la géopolitique de l’époque, il est important  de préciser que    les massacres à caractère génocidaire avaient provoqué en 1959 au Rwanda   plus de 150 000 réfugiés dont la majorité se trouvait au Burundi et en Ouganda et qui  étaient  considérés comme les premiers refugiés politique de l’Afrique noir. En raison des attaques sporadiques initiés par ces réfugiés que le gouvernement de Kayibanda qualifiait de « de terroristes Cafards »  qui essayaient de rentrer chez eux par la force, les nouvelles autorités Rwandaises continuaient des massacres des tutsi qui étaient jetés dans les rivières. Véritable préfiguration du génocide de 1994, à Gikongoro en particulier, au sud du pays, plus de 10000 personnes sont atrocement massacrées entre les 24 et 28 décembre 1964 et leurs cadavres jetés dans les rivières. A l'époque Bertrand Russell parle « du massacre le plus horrible et le plus systématique depuis l’extermination des Juifs par les Nazis » . Dans un climat de diabolisation des Tutsi qui était facilité par la cristallisation d’une véritable dictature du régime Parmehutu au nom de la défense  «  du peuple « majoritaire » Hutu,le Burundi ne pouvait rester insensible à ce qui se passait chez son voisin du Nord avec la présence de refugiés Tutsi du Rwanda surtout que quelques militants Hutu y avaient crée des mouvement ethniques depuis 1958, notamment le parti du peuple( PP) appuyé par  Albert Maus[8].

Cette analyse des facteurs exogènes à la quelle les différends auteurs se sont livrés sont très proches de l’analyse du politologue Burundais Elias Sentamba, qui dans les colonnes du Journal Iwacu du 11/9/2020 dédié à la crise de 1965 souligne que « Des rescapés rwandais Tutsi vont fuir vers le Burundi. De temps en temps, des attaques sont menées contre le Rwanda. A son tour, le président rwandais d’alors, Grégoire Kayibanda, va chercher des Hutu burundais réfugiés au Rwanda pour perturber le Burundi. Parmi eux, Paul Mirerekano, un vrai mobilisateur. Ce politologue affirme que des maisons de Tutsi ont été brûlées, dans un premier temps, à Busangana.

L’analyse de la crise de 1965 sous un angle régionale est d’autant plus fondée que « la montée parallèle de l’inquiétude en millieu Tutsi et des ambitions Hutu se traduisit par une fissure au sein du parti Uprona »  qui s’était divisé en deux branches l’une dénommée « Monronvia » et l’autre « Casablanca » l’une progressiste à dominance Tutsi et l’autre « pro occidentale » à dominance Hutu.

Au-delà de la région, pour comprendre l’origine des premières massacres à caractère ethniques au Burundi, l’auteur ci haut cité se livre à une analyse géostratégique de l’époque

« On retrouve donc au Burundi l’ obsession anticommuniste entretenue au Rwanda depuis 1959 par les missionnaires contre les « bolcheviks tutsi », mais avec une nouvelle dimension internationale: le Congo ex belge devient en 1964 un des abcès de la « guerre froide », le Burundi passe pour une base pro-chinoise d'appui aux rebelles « mulelistes » et la cia s'intéresse à la région en liaison avec la Sureté belge. Le facteur ethnique, qui avait si bien joué au Rwanda, est dès lors instrumentalisé  aussi au Burundi, dont la composition sociale est jugée similaire. Le leader hutu Mirerekano émigre au Rwanda entre mai 1964 et le début de 1965 et se fait le porte-parole des thèses belgo-americaines. Les partisans tutsi des thèses de  Casablanca se font de leur côté les tenants du non-alignement. Ce mélange de rivalités  de factions, d'intrigues étrangères et de hantise des massacres rwandais de la Noel 1964 crée une atmosphère très lourde a Bujumbura » . Dans les jours qui ont suivis le coup d’Etat du 19/10/1965 ci haut évoqué «  des massacres de Tutsi (plusieurs centaines) sont organisés dans les communes de la Province de Muramvya à l’initiative du Bourgmestre député Mathias Nzosaba » . Une organisation dite jeunesse « Mirerekano » y joue un rôle actif. D’après de nombreux témoignages, le slogan utilisé pour amener les paysans Hutu à tuer leurs voisins Tutsi était  que cette ethnie a tué le roi.On est en présence d’un processus typique de conscientisation par la violence fondée sur des rumeurs et la peur manipulée ce que Réné le marchand a appelée «  la prédiction créatrice » self fulfilling prophecy  . Cette prédiction consistait en fait à transposer dans le cas burundais les passions et les méthodes de la révolution Rwandaise, à faire de cette dernière un modèle inévitable, celui de la démocratie ethnique combinant au profit des Hutus le principe majoritaire et la priorité et l’autochtonie supposée.   Cette analyse des facteurs exogènes à la quelle les différends auteurs se sont livrés sont très proches de l’analyse du politologue Burundais Elias Sentamba, qui dans les colonnes du Journal Iwacu du 11/9/2020 dédié à la crise de 1965 souligne que « Des rescapés rwandais Tutsi vont fuir vers le Burundi. De temps en temps, des attaques sont menées contre le Rwanda. A son tour, le président rwandais d’alors, Grégoire Kayibanda, va chercher des Hutu burundais réfugiés au Rwanda pour perturber le Burundi. Parmi eux, Paul Mirerekano, un vrai mobilisateur. Ce politologue affirme que des maisons de Tutsi ont été brûlées, dans un premier temps, à Busangana. « Mais, par après, avec l’arrivée des militaires, des Tutsi sont allés se venger et ont tué des Hutu sur simple suspicion de collaborer avec Paul Mirerekano».

Ce coup de regard dans le rétroviseur  s’est intéressé à cet évènement qui passe curieusement  inaperçu alors qu’il représente le premier conflit au cours duquel  de  paysans innocents  ont laissé leurs  vies dans ces massacres barbares. Pour la première fois dans son histoire,    les enseignements de   idéologie immonde de génocide venait de faire ses premières victimes tuées en masse.

Bien plus, l’auteur précise que cette idéologie ethno sociale qui confortait une bonne conscience des dirigeants de Kigali a un tournant délicat , répondait aussi à des calculs locaux de conquête du pouvoir et à ceux de forces étrangères prêtes à faire feux de tout bois. Il conclut aussi que la répression ( des milliers d’arrestations, des centaines de morts, l’exécution de 80 personnalités Hutu) représenta de son côté une fuite en avant vers un autre modèle celui de la domination sécuritaire Tutsi, dont les promoteurs intéressés ont été les politiciens de la faction dite casablanca.  

La situation de l’époque est bien illustrée par les propos de Martin Ndayahoze , un militaire Hutu qui était ministre de l’information sous la première république : « C’est la classe aisée qui renferme le virus du tribalisme. Effectivement le mal vient d’en haut. Ce sont les cadres peu méritants qui pour se maintenir, pour se hisser à certains postes convoités , ont besoin de pistons, d’astuces et d’artifices. Ce sont aussi des responsables insatiables qui pour faire aboutir leurs ambitions inavouables font de la division ethnique une stratégie politique »

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Ce coup de regard dans le rétroviseur  s’est intéressé à cet évènement qui passe curieusement  inaperçu alors qu’il représente le premier conflit au cours duquel  de  paysans innocents  ont laissé leurs  vies dans ces massacres barbares. Pour la première fois dans son histoire,    les enseignements de   idéologie immonde de génocide venait de faire ses premières victimes tuées en masse. Ce mal absolu avait une dimension régionale et ne semble pas avoir disparu.  Il  mérite une solution globale concertée entre tous les pays où cette idéologie plane toujours.

Voici donc 56 ans que les burundais ont commencé à périr en raison des politiques biaisées  basées sur la haine, l’exclusion et l’intolérance. Un enfant qui est né dans une église de Busangana durant ces massacres sera bientôt un sexagénaire. Il n’aura pas eu de répit toute sa vie durant. Il a attendu la justice toute sans vie mais l’espoir s’amenuise avec une CVR qui roule selon la cadence du parti au pouvoir et de son agenda controversé. Les deux  générations qui sont venues après les victimes de ces massacres de 1965  s’enlisent aussi dans un imbroglio politique sans lendemain qui fonctionne presque en suivant le même paradigme basé sur l’impunité.

En  vous partageant ces lectures qui sont limités sur cet événement, j’avais plus d’interrogations que de réponses. Car le changement viendra des Burundais eux-mêmes. Chacun est appelé donc à se demander jusque quand continuerons nous à avancer les yeux fermer comme si les burundais étaient prédestinés à vivre une vie de misère, galère,  de guerres interminables et d’intolérances. Quel avenir sommes nous en train de préparer à nos enfants ? Que faut il faire pour arrêter ce film d’honneurs qui empêche notre pays de rayonner dans le concert des Nations ?

La tâche de bâtir ce pays incombe à tous les Burundais

Pour ma part, je pense humblement que les burundais ne sont  pas appelés à répéter les mêmes erreurs, les mêmes horreurs. Il faut arrêter la tyrannie et apprendre à valoriser les différences. Le jour où on comprendra que les différences constituent des richesses c’est le jour où  le changement commencera à germer. Un Etat de droit doit émerger et garantir la justice à Tous.    A l’heure où je rédige cet article, un médium en ligne appelé SOS Média révèle « Qu’entre le 14 et le 17 octobre 2021 seulement, 14 corps ont été découverts dans  les seules communes de Buganda et Rugombo de la Province Cibitoke, tous ces cadavres étant vomis par la rivière Rusizi.  Ce qui donne raison à la commission internationale d’enquête sur le Burundi qui expliquait il y a un mois à une communauté internationale médusée et fatiguée que les crimes contre l’humanité en cours depuis 2015 n’ont jamais cessé. Pour dénier toute humanité à ces hommes tués  dans des circonstances obscures, on les enterre à la vas vite  sans enquête préalable et partant à l’insu de leurs familles respectives. Manifestement le recueillement ou le deuil est refusé à l’avance.  Une question persistante s’impose à moi : « Que ce qui mettra fin à cette tragédie humaine qui  ne s’arrête pas au Burundi  depuis des décennies ? Si les victimes d’hier veulent répètent les méthodes rétrogrades qui leur ont fait souffert, quel avenir préparent ils pour le Burundi ?

Enfin, je ne peux clore cette petite contribution  dans la compréhension de notre histoire douloureuse sans m’incliner devant la mémoire de tous les Burundais , de toutes tendances politiques et ethniques qui ont été victimes de leur opinion politique ou de leurs origine ethnique en appelant de tous  mes vœux  que cette folie s’arrête. Que les Burundais ne continuent pas la voie du suicide collectif   et construisent  plutôt un pays respectueux de tous ses enfants qui  garantis à toutes et à tous la dignité, l’égalité des chances. Les jeunes burundais ne sont pas condamnés à passés par les sentiers tracés par leurs géniteurs. Ils peuvent inventé un nouveau Burundi résolument tourné vers le respect des droits de la personne humaine. Les droits de l’homme et le développement ne constituent aucunement des notions antinomiques.  

La tâche de bâtir ce pays incombe à tous les Burundais. Elle est  certes immense mais elle est réalisable. Il avait raison Albert Camus quand il disait que «  Notre tâche d’homme est de trouver quelques formules qui apaiseront l’angoisse infinie des âmes libres. Nous avons à recoudre ce qui est déchiré, à rendre la justice imaginable dans un monde si évidemment injuste, le bonheur significatif pour des peuples empoisonnés par le mal. Naturellement c’est une tâche surhumaine . Mais on appelle surhumaine les tâches que les hommes mettent longtemps à accomplir »

Ensemble, les Burundais peuvent façonner autrement leur avenir et offrir aux générations futures un pays digne où le bonheur remplacerait ces torrents de larmes qui continuent de couler sur la terre sacré de nos ancêtres.

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REFRENCES:

[5] Jean Pierre Chrétien, Ethnicité et Politique : Crise au RwandaBurundi,P .114 consulté sur le site : https://www.jstor.org/stable/pdf/25732306.pdf?refreqid=excelsior%3Af960c87b7a0364a11be5945ad7298f47

[6] Idem , P.115

[7] Le monde, 6 février 1994 . Voir aussi René le marchand, Rwandaand Burundi, New York, 1970 p.197 -227 .

Jean Pierre Chrétien, Op.citP.116 .

[9] ibidem

[10] Sur cette évolution, voir R . Le marchand, Op.cit, P.343 –401, etdu même the CIA in africa, Journal of modern studies, juin 1976

[11] Op Cit. P .344

[12] Jean Pierre Chrétien,Op cit.P118

[13] https://www.iwacu-burundi.org/du-passe-compose-au-futur-simple-de-linjustice-a-la-radicalisation/

[14] Ibidem.

[15] Buganda-Rugomba: ces cadavres vomis par la Rusizi qui font bouger la présidence - SOS MédiasBurundi (sosmediasburundi.org)

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Dieudonné BASHIRAHISHIZE

Juriste de formation et avocat de profession, il a exercé au Barreau du Burundi et du Rwanda. Ancien Vice-Président de l'association des Barreaux de l'Afrique de l'Est, il a été actif dans le mouvement associatif depuis son jeune âge. C'est ainsi qu'il a été représentant des Étudiants de l'université du Burundi en 2004, avant d'être élu, une année plus tard, par les représentants des Étudiants des Universités du Burundi, du Rwanda et de la République démocratique du Congo, à la tête du FIJPGL