PARTIE 1- BUSANGANA Le 19/10/1965 : Les premiers massacres de masse à caractère génocidaire commis au Burundi

Si le mois d’octobre est déjà chargé en termes de mauvais souvenirs, sans toutefois vouloir réveiller les démons endormis ou encore remuer le couteau dans des plaies fraiches des familles des victimes , je me suis rendu compte qu’il y a une date qui est souvent oubliée aussi bien par les victimes que par les pouvoirs publics. Difficile de savoir qu’il s’agit d’une omission involontaire ou d’un silence délibéré. La date du 19/10/1965 n’est pas très connue de plusieurs Burundais et surtout des plus jeunes. Il est curieux qu’elle a échappé même aux travaux de recherches

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Opinion
PREMIERE PARTIE

L’histoire du Burundi post - colonial est émaillée par des crises cycliques caractérisées par des massacres horribles    qui n’ont pas été élucidées   par des enquêtes judiciaires indépendantes. Cette impunité chronique a hautement fragilisé le tissus social Burundais toujours marqué par des plaies non encore pansées et encore moins cicatrisées. Après des décennies de confrontation sur fond d’idéologie de génocide, de répression et de guerres interminables, un Accord historique avait été signé entre burundais   sous l’égide de la Région, de l’Union Africaine et des Nations unies qui s’étaient engagés et en être des garants. Malgré l’accalmie qu’il avait pu apporter ,  il ne fera pas long feu. La boulimie du pouvoir a pris le dessus une décennie plus tard, et le navire  qui s’efforçait  difficilement à naviguer en eaux toujours troubles  s’est quasiment immobilisé. Il ne reste qu’un épouvantail qu’on fait miroiter subtilement avant qu’il ne soit jeté dans les oubliettes de l’histoire.  Bloqué par les vents violents de la haine , de la gabegie et ses corolaires, il semble couler doucement  en haute mer. Les marées hautes se succèdent, et les burundais délaissés  face à eux-mêmes  sont  hébétés, déboussolés .  Difficile pour eux  de trouver le nord. Les repères sont rares, partout on entend des gémissements, des cris  et des pleurs. Le désarroi est si  profond que même le chef de l’Etat ménage son temps précieux pour se présenter devant son système judiciaire en vue de pleurnicher  en lieux et place  du peuple ! Dévots que nous sommes devenus, nous arrivons au point d’un désespoir si avancé qu’on espère émouvoir le ciel  par des larmes ! Les larmes aussi chaudes soient elles ne soulagent plus  les cœurs obscurcis et  tétanisés par un froid glacial qui  siffle violement    depuis des décennies. L’attente d’un véritable changement devient longue. Les regards désespérés regardent dans les différents horizons mais l’alternative susceptible de  guérir les burundais, de les réconcilier et leur redonner l’espoir tarde à venir. Des générations viennent et se suivent  à la queue - leu -leu vers l’au-delà sans se pencher sur une solution salutaire qui stopperait cette frénésie meurtrière qui empêche aux Burundais de jouir des immenses potentialités dont regorgent leurs beau pays.

Des victimes marginalisés ont encore la peur de pleurer les leurs s’ils sont malaimés par le Pouvoir. C’est le cas notamment des victimes de crimes contre l’humanité commis au Burundi depuis 2015 même si elles ne sont  pas les seules. Par ailleurs, il reste difficile de commémorer des événements de longues date  alors que les enlèvement  continuent, des tueries perpétrées pour des motifs politiques ou autres. Les malheurs s’enchainent en cascade au point que le plus récent en date emporte plus d’attention.  Les dates de recueillement se multiplient, le sang n’a pas cessé de couler sur ces belles collines du Burundi depuis 56 ans hormis  quelques rares moments de paix relative.

Si tous les mois de l’année se ressemblent  dans la globalité dans le paysage burundais, le mois d’octobre a ce sinistre mérite d’être un mois  qui  enregistre un nombre important de dates qui sont réputées être  de tristes mémoires. Des dates qui symbolisent le deuil, l’horreur et la mort des fils et filles du Burundi emportés des massacres   fratricides qui ne s’arrêtent pas. Les malheurs sont devenus presque le quotidiens des Burundais au point que les commémorations de ces tristes dates sont devenues comme des faits divers . Certaines sont peut être  oubliées tandis que d’autres inquiètent, clivent et divisent. Des victimes marginalisés ont encore la peur de pleurés les leurs s’ils sont malaimés par le Pouvoir. C’est le cas notamment des victimes de crimes contre l’humanité commis au Burundi depuis 2015 même si elles ne sont  pas les seules. Par ailleurs, il reste difficile de commémorer des événements de longues date  alors que les enlèvement  continuent, des tueries perpétrés pour des motifs politiques ou autres. Les malheurs s’enchainent en cascade au point que le plus récent en date emporte plus d’attention.  Les dates de recueillement se multiplient, le sang n’a pas cessé de couler sur ces belles collines du Burundi depuis 56 ans hormis  quelques rares moments de paix relative. On peut citer entre autres 1965, 1972, 1988, 1993 -2003, 2015 ect.  A la célébration de toutes ces dates-là, les mémoires sélectives prennent le dessus, alors que  c’est le Burundi qui a perdu ses enfants. Au moment où  le recueillement devrait unir , souder et donner à réfléchir pour tendre vers un renouveau, chez nous les cœurs restent prisonniers du passé. On en profite pour diviser , cliver.  Certains affichent la volonté d’instrumentaliser les mémoires au point qu’ils semblent se convaincre qu’ils sont les seuls à avoir beaucoup soufferts. Pour éviter de tirer les choses au clair, on globalise, on généralise et on accuse indistinctement les membres d’un groupe . Silence, les détenteurs du pouvoir sont les seuls détenteurs de la vérité !  

Le vivre ensemble demande à ce que l’on soit compatissant  face à la douleur de l’autre. Quel genre de chrétiens sommes nous donc devenus, si on n’est plus capable de comprendre qu’il ne faut pas faire à autrui ce que tu n’aimerais pas qu’on fasse à soi-même.  Les dates de notre histoire qui rappellent les innocents fauchés par l’animosité et la fourberie humaine devraient être des moment de méditation, de réflexion et d’introspection. En lisant une lettre du Ministre de l’intérieur qui , répondant aux familles de centaines de jeunes brûlés vifs à Kibimba en raison de leur origine ethnique Tutsi, une des  phrases contenues dans ladite lettre  a attiré mon attention  . «  Nous sommes d’avis tout comme vous autres, qu’il est de votre droit le plus légitime de commémorer la mémoire des vôtres » ! Ces innocents élèves ayant été massacrés et brûlés au moment où ils fréquentaient l’école publique, avec la participation de leurs éducateurs et mandataires de l’Etat,  on se demande qui sont «  vous autres » et le sens des mots « des vôtres ». Les psychologues pourraient rétorquer avec raison que le subconscient est incorruptible. Camoufler sa conviction est finalement difficile même lorsqu’on essaie d’user de différents manèges et subterfuges teintés de cynisme. Par ailleurs le motif choisi par le Ministre  pour limiter drastiquement l’accès des familles au site du recueillement à Kwibubu  est farfelu surtout que d’autres rencontres continuent à avoir lieu malgré la propagation du COVID 19. Le motif avancé pour empêcher les familles des victimes semble être plus un prétexte qu’une véritable raison. Décidément, les burundais sont encore malades, admettons le et  cherchons  une thérapie collective pour guérir .

La date du 19/10/1965 n’est pas très connue de plusieurs Burundais et surtout des plus jeunes

Si le mois d’octobre est déjà chargé en termes de mauvais souvenirs, sans toutefois vouloir réveiller les démons endormis ou encore remuer le couteau dans des plaies fraiches des familles des victimes , je me suis rendu compte qu’il y a une date qui est  souvent oubliée aussi bien par les victimes que par les pouvoirs publics. Difficile de savoir qu’il s’agit d’une omission involontaire ou d’un silence délibéré. La date du 19/10/1965 n’est pas très connue de plusieurs Burundais et surtout des plus jeunes. Il est curieux qu’elle a échappé même aux travaux de recherches de la fameuse Commission Vérité réconciliation qui s’est focalisée prioritairement sur la crise de 1972 en ignorant celle de 1965 qui est intervenue 7 ans auparavant.    

La date du 19/10/1965 ne pouvait pas être ignorée car elle représente la première date où les massacres de masses ont été commises sur les populations civiles Tutsi en Province de Muramvya et plus précisément à  Busangana, actuelle commune de Bukeye. Elles seront suivies par une répression sanglante qui a été menée par l’armée  et qui a emporté la vie de plusieurs personnes Hutu. Ce genre d’événements doivent être commémorer avec la volonté de dire ensemble comme un peuple : «  plus jamais ça ! »

Au regard du récent rapport d’étape , la CVR qui s’est penchée presque  exclusivement sur la crise de 1972 en sautant la première crise ethnique qui a eu lieu au Burundi en 1965. Face à cette démarche  on est en droit de se demander, si le fait d’omettre  une analyse minutieuse de cette triste date ne risque pas de fausser les conclusions ultérieures surtout que les acteurs des deux évènements sont presque les mêmes dans un environnement de lutte permanente pour le pourvoir , l’ethnisme étant utilisé par les protagonistes  comme un cheval de bataille. Lorsque les prémisses sont mal posées, il est difficile d’aboutir sur des conclusions impartiales et rassurantes . La date du 19/10/1965 ne pouvait pas être ignorée car elle représente la première date où les massacres de masses ont été commises sur les populations civiles Tutsi en Province de Muramvya et plus précisément à  Busangana, actuelle commune de Bukeye. Elles seront suivies par une répression sanglante qui a été menée par l’armée  et qui a emporté la vie de plusieurs personnes Hutu. Ce genre d’événements doivent être commémorer avec la volonté de dire ensemble comme un peuple : «  plus jamais ça ! »

Chaque fois qu’il y a une crise qui éclate dans un Etat, il serait erroné de l’analyser en tenant exclusivement compte de critères endogènes ou exogènes. Il reste  important de l’analyser dans tous ses aspects. N’étant pas de ceux qui estiment qu’il faut éviter tout sujet qui ne fait pas l’unanimité pour tenter de faires les yeux doux à ceux qui se sont laissés entrainés dans le déni des crimes ou la falsification de l’histoire, je me contenterai de relever  certains passages livresques qui évoquent  cette date.

Les personnes qui ont plus de 65 ans au Burundi et qui partant avaient 9 ans en 1965 représentent 2 ,69% de la population Burundaise. L’espérance de vie étant de 59,6 ans pour les hommes et 63,2ans pour les femmes, les personnes qui étaient majeurs  quant à elles ; lorsque ces massacres inspirés par l’idéologie de génocide  ont éclatés  et qui auraient 74 ans  aujourd’hui sont évalués à 1 ;35% de la population Burundaise   d’où l’intérêt de rappeler ces moments difficiles afin que les burundais sachent d’où ils viennent.  

N’ayant pas été témoin de cet événement tragique qui s’est déroulé plus d’une décennie avant ma naissance, j’ai lu certains ouvrages qui reviennent sur cette tragédie ainsi que  sur la géopolitique de l’époque caractérisée par une décolonisation douloureuse dans une période marquée par la guerre froide.

Le 18/10/1965, le roi  Mwambutsa a été victime d’une tentative d’assassinat lors d’un coup d’Etat avorté qui était  conduit par des officiers Hutu . Le lendemain il sera évacué vers Uvira avant de regagner l’Europe. Il ne reviendra pas au Burundi. Cette date marque  la première crise inter ethnique majeure  qu’a connue  le Burundi après son indépendance.

« 19 octobre 1965,éclatait au Burundi la première crise ethnique Hutu /Tutsi»

Dans son ouvrage intitulé : «  Burundi 1965 : 1ère crise ethnique au Burundi »  Monsieur Augustin Mariro précise que le 19 octobre 1965,éclatait au Burundi la première crise ethnique Hutu /Tutsi » qui serait l’aboutissement d’une série de manipulations internes et externes dans un contexte de guerre froide entre l’Est et l’Ouest.  .  Pour revenir brièvement sur cette période qui a suivi l’Assassinat du Prince Louis Rwagasore, le journal libération qui a consacré un article à cet évènement  renseigne qu’ « après une valse ministérielle où s'épuisent les Premiers ministres (l'un d'entre eux est même assassiné) et qui conduit le mwami Mwanbutsa IV à gouverner par décrets début 1965, les élections de mai 1965 donnent la majorité à l'Uprona (mouvement nationaliste et royaliste). Deux tiers des députés sont cependant des Hutu, conscients de leur force dans un contexte de sur-identification ethnicisante et de construction identitaire : les Hutu Burundais ont à l'esprit la révolution opérée par les Hutus au Rwanda avec l'instauration d'une république qui a renversé le mwami Kigeli V, également Tutsi. Dans ces circonstances, la nomination au poste de chef de gouvernement de Léopold Biha, prince Tutsi, est vécu comme l'argument déclencheur de la crise politique.

Gervais Nyangoma, candidat Hutu malheureux au poste de Premier ministre, et Antoine Serukwavu, secrétaire d'État à la Gendarmerie, appuyés par plusieurs officiers, procèdent à un coup d'État le 18 octobre 1965. Les troubles se poursuivant au lendemain de ce coup d'État, la situation dégénère. Inquiétés par les premiers massacres de paysans Tutsi, des officiers Tutsi et l'élite Tutsi décident de reprendre en main la situation. Ils procèdent à la répression du coup d'État, sous la houlette du capitaine Tutsi Michel Micombero qui va s'imposer comme l'homme fort du pays. ».  Notons que ces massacres sont intervenus 10 mois après l’assassinat du Premier Ministre Ngendandumwe, un patriote compagnon  de lutte de  Rwagasore. Les clivages de l’époque ont fait piétiner l’enquête sur son assassinat en ce sens que le contexte de la guerre froide de l’époque avait été négligé parmi les  pistes de recherches pour privilégier la traque des auteurs supposés  dans le camps politique adverse. Maintenant que des auteurs commencent à écrire sur l’assassinat de Rwagasore, il y a de l’espoir que la mort de ce premier Ministre charismatique sera aussi éclaircis par des chercheurs ou par la justice.

A titre d’outils, le même article énumère des rapports qui pourront guider le travail de la commission en l’occurrence le Rapport whitaker de 1985, le Rapport des ONG de 1994 ainsi que le Rapport de la Commission internationale d’enquête des nations unies de 1996 qui a relevé que «  des actes de génocides ont été commis » lors des massacres dirigés principalement contre les Tutsi qui ont suivis l’assassinat du  Président Melchior Ndadaye en date du 21/10/1993 . Le refus de la mise en place de cette commission qui se manifeste depuis 2004 ,  matérialise la négation de la vérité et de la justice qui pourraient aider les Burundais à se réconcilier.

L’analyse des événements qui se sont déroulés durant les premières années de l’indépendance du Burundi  est indispensable pour comprendre l’origine des crises cycliques qui n’en finissent pas.  Le premier protocole d’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi , après avoir identifié le conflit Burundais comme « un conflit politique avec des racines ethniques très prononcées » avait prévu de réconcilier les Burundais à travers l’établissement  de la vérité et des responsabilités. Dans son chapitre II  dédié aux solutions à cette crise en éternel recommencement, quant aux mesures relatifs au génocide, aux crimes de guerre et autres crimes contre l’humanité, l’article 6 §10 avait prévu que le gouvernement de transition issue de l’Accord d’Arusha va demander au Conseil de sécurité des Nations unies  la mise en place d’une commission d’enquêtes judicaire internationale sur le génocide, les crimes de guerre et les autres crimes contre l’humanité. La mission de cette commission  Consistait à enquêter et établir des faits couvrant la période allant de l’indépendance à la signature de l’accord , de les qualifier, d’établir des responsabilités et de soumettre son rapport au conseil de sécurité de l’ONU. A titre d’outils, le même article énumère des rapports qui pourront guider le travail de la commission en l’occurrence le Rapport whitaker de 1985, le Rapport des ONG de 1994 ainsi que le Rapport de la Commission internationale d’enquête des nations unies de 1996 qui a relevé que «  des actes de génocides ont été commis » lors des massacres dirigés principalement contre les Tutsi qui ont suivis l’assassinat du  Président Melchior Ndadaye en date du 21/10/1993 . Le refus de la mise en place de cette commission qui se manifeste depuis 2004 ,  matérialise la négation de la vérité et de la justice qui pourraient aider les Burundais à se réconcilier.  Pourtant une paix qui n’est pas éclairé par la justice est une paix fragile qui ne dure pas. Le Burundais mérite savoir la vérité sur leur histoire au lieu de l’orienter au gré de celui qui gouverne.

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REFERENCES

[1] Pyramidedes âges - Burundi | Perspective Monde (usherbrooke.ca)

[2] Unhistorien face au génocide des Tutsi | Cairn.info

[3]https://www.google.com/search

[4] https://www.liberation.fr/debats/2015/05/17/le-premier-coup-d-etat-au-burundi-18-octobre-1965_1817020/

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Dieudonné BASHIRAHISHIZE

Juriste de formation et avocat de profession, il a exercé au Barreau du Burundi et du Rwanda. Ancien Vice-Président de l'association des Barreaux de l'Afrique de l'Est, il a été actif dans le mouvement associatif depuis son jeune âge. C'est ainsi qu'il a été représentant des Étudiants de l'université du Burundi en 2004, avant d'être élu, une année plus tard, par les représentants des Étudiants des Universités du Burundi, du Rwanda et de la République démocratique du Congo, à la tête du FIJPGL