Paul Rusesabagina est accusé de terrorisme : Pourquoi et où sont les preuves ?
Déjà avant son incarcération à Kigali, un dossier pénal avait été ouvert en Belgique contre Paul Rusesabagina.Des fouilles perquisitions à son domicile belge auraient permis de découvrir des preuves d'un versement de 20.000 euros au FLN. Eric van Duyse, porte-parole du parquet fédéral de Belgique confirme que ce dossier pénal a été ouvert et se trouve toujours à la phase d'instruction.
Dossier pénal ouvert en Belgique contre Paul Rusesabagina
Paul Rusesabagina créa le Mouvement Rwandais pour le Changement Démocratique (MRCD) en 2018. Le siège de ce mouvement est installé dans sa maison à Kraainem, une petite commune belge peuplée d'environ 13 000 habitants et située dans la région flamande de la province du Brabant flamand. Cette même année, un mandat d'arrêt émis par Kigali est lancé contre lui. Pour cause, le mouvement de Paul Rusesabagina est accusé d'avoir une branche armée, Front de libération nationale (FLN) dont le principal objectif est de renverser l'actuel pouvoir de Paul Kagame. Paul Rusesabagina, dans une vidéo qui a beaucoup circulé sur internet faisait la promotion de la lutte armée contre Kigali et s’était engagé à soutenir le FLN.
Cette branche armée du MRCD a déjà revendiqué la responsabilité de nombreuses attaques dans la région de Nyungwe, frontalière avec le Burundi et la République démocratique du Congo (RDC). Suite à une tournure qui a fait sensation, Paul Rusesabagina est aujourd'hui détenu à Kigali, accusé d’actes de terrorisme et de financement de rébellion.
Déjà avant son incarcération à Kigali, un dossier pénal avait été ouvert en Belgique contre Paul Rusesabagina. Des fouilles perquisitions à son domicile belge auraient permis de découvrir des preuves d'un versement de 20.000 euros au FLN. Eric van Duyse, porte-parole du parquet fédéral de Belgique confirme que ce dossier pénal a été ouvert et se trouve toujours à la phase d'instruction.
Comment est-il tombé entre les mains des autorités de Kigali ?
Les explications données par Kigali et celles données par Paul Rusesabagina lui-même laissent beaucoup de trous qu’il est difficile de comprendre comment Paul Rusesabagina s'est retrouvé au Rwanda, un pays où il était certain qu'il se ferait arrêter.
Arrivé à Dubaï le 27 août sur un vol Emirates depuis l’aéroport de Chicago, il apparaît au Rwanda entre les mains des autorités rwandaises le 31 août. Selon une interview qu’il a donnée au New York Times, Paul Rusesabagina affirme avoir embarqué à bord d’un jet privé qui devait le transporter au Burundi.
Selon les données recueillies auprès des autorités émiraties, Paul Rusesabagina n’a fait que cinq heures d’escale à Dubaï. Les autorités émiraties assurent qu’il a quitté légalement le pays la nuit du 28 août.
Selon toujours ses propos, Paul Rusesabagina se rendait au Burundi a bord d’un jet privé affrété par un ami pasteur Burundais qui l’avait invité « pour parler de ses expériences de 1994 ».
Ses avocats évoquent un enlèvement. Carine Kanimba, fille adoptive de Paul Rusesabagina affirme que son « père n'était sur aucune liste d'Interpol ou autre. Légalement, ils n'avaient aucune possibilité de l'amener à Kigali ». Les autorités rwandaises quant à elles balaient du revers de la main toute idée de kidnapping.
Selon ses propos et ceux des autorités rwandaises, il est évident que Paul Rusesabagina ne savait pas qu’il se rendait à Kigali. Comme il l’a expliqué au New York Times, en embarquant depuis Dubaï, il pensait se rendre à Bujumbura sur invitation d'un pasteur local qui avait apparemment affrété pour lui un jet privé. Ce récit de Paul Rusesabagina suscite beaucoup de questions : Entre autres, depuis quand était-il au courant de cette invitation, visiblement piégée, dont il n'avait soufflé mot à sa famille ? Qui est ce Pasteur burundais qui dispose de moyens si impressionnants pour affréter un jet privé pour un ami ? Le mystère reste entier.
Visiblement, les services secrets rwandais étaient à son dos et l'homme a été roulé par les services de sécurité rwandais. Comme il le dit lui-même, il s'est réveillé à Kigali, entouré de militaires rwandais, dans ce pays qu'il n'avait plus fréquenté depuis plus de 15 ans.
Pourquoi se rendait-il réellement au Burundi?
Un autre mystère :pourquoi se rendait-il vraiment au Burundi et qui avait affrété un jet privé pour lui? Ce qui est sûr, un jet privé a décollé vers Dubaï de l’aéroport international de Bujumbura, qui d’ailleurs reste fermé à cause de la pandémie de Coronavirus. Ce jet privé a décollé au 26 août avec Dubaï comme destination finale. A bord ce jet privé se trouvait entre autres Jean Marie Rurimirije, un courtier et financier très connu de Bujumbura. Une coïncidence peut-être. A bord de ce même jet privé se trouverait aussi la première dame du Burundi. Lors de son séjour à Dubaï elle a visité un centre de soins sanitaires et a été accueillie par la fondation Merck.
Comme le révèle le journal le Soir, les autorités rwandaises pensent que Paul Rusesabagina se rendait au Burundi pour rencontrer le nouveau président du Burundi, Evariste Ndayishimiye. Les relations entre ces deux pays se sont dégradées depuis 2015.
Le nouveau président burundais a récemment boycotté un sommet régional qui visait à réconcilier les deux pays. Ce sommet avait été organisé et convoqué sur l’initiative du président Felix Tshisekedi de la RDC. Préférant se rendre plutôt en Tanzanie pour sa première visite internationale, Evariste Ndayishimiye n’entend pas prendre la main tendue par son homologue rwandais qui s’était, peu après l’investiture du nouveau président burundais, montré ouvert à la relance de relations diplomatiques avec son voisin du sud.
S’il s’avère que Paul Rusesabagina, un patron d’un mouvement politique et une rébellion armée contre Kigali se rendait au Burundi pour rencontrer le nouveau président Burundais, les relations entre les deux pays vont se compliquer davantage.
La détention de Paul Rusesabagina dans des conditions dramatiques et sensationnelles qui rappellent les exploits des services secrets les plus sophistiqués comme la CIA ou la Mossad démontre que le Rwanda de Paul Kagame a mis un accent particulier sur sa sécurité et la stabilité du pays. C’est d’ailleurs ce succès sécuritaire qui en grande partie fait du Rwanda un succès économique dans la région et sur le continent.
