Qui se ressemble s'assemble: L'alliance entre Kinshasa et Gitega est une erreur stratégique pour le Burundi
En dépit de la haine et de la méfiance entre Kigali et Kinshasa, les autorités congolaises n'ont jamais daigné fermer les frontières terrestres avec le Rwanda. Car dans son for intérieur, la RDC est pertinemment convaincue qu'elle a besoin du Rwanda pour tenir un minimum de vie dans sa partie de orientale.Et pour preuve. A l'est de la RDC, la population congolaise, réclame déjà le début d'un dialogue entre les deux parties pour trouver un terrain d'entente et rétablir la paix.
On n'aura pas besoin d'une boule de cristal pour envisager la suite : en tournant radicalement le dos au Rwanda pour s'allier militairement à la RDC, en diabolisant le Rwanda à tout va, en fermant unilatéralement les frontières terrestres entre le Rwanda et le Burundi, le chef de l'Etat burundais Evariste Ndayishimiye a raté le coche de l'histoire et a commis une terrible erreur stratégique qui risque d'isoler le Burundi dans la région.
Sans conteste. La grande Histoire retiendra en effet de lui son erreur doublement historique et fatale. Sa compréhension du jeu de pouvoir géopolitique dans la région est clairement lamentable.
Aveuglé par son aversion ethnique un brin atavique, le général Evariste Ndayishimiye s'est approprié la cause congolaise et fait sienne la guerre contre le M23 qu'il qualifie de milice tutsi qui n'a pas sa place en RDC. Son alliance avec Kinshasa est donc née d'une aversion ethnique contre les tutsis d'une part et d'autre part, d'une tentative désespérée de rechercher une bouffée d'oxygène pour la trésorerie burundaise qui est en manque chronique de devises étrangères.
Depuis des mois, ses militaires se font tuer comme des mouches à l'est de la RDC après s'être alliés aux FDLR, FARDC et autres Wazalendo qui écument la région. Désormais, son armée est prise et impliquée dans un chaos astronomique au Nord-Kivu où les militaires congolais et leurs compagnons Wazalendo tuent pour aussi peu qu'un paquet de cigarettes.
Selon La Libre Afrique, "tous les témoignages pointent la responsabilité d’hommes en uniforme qui sont armés et complètement abandonnés par leur hiérarchie et par l’État congolais."
Selon des témoins interrogés par La Libre Afrique, “C’est l’anarchie la plus totale, poursuit un des témoins qui avoue aujourd’hui, je ne sais pas s’il n’est pas préférable d’être sous le contrôle des rebelles du M23.”
Les wazalendo, armés par Kinshasa, ainsi que toute autre bandit qui peut mettre sa main sur une arme ont désormais imposé une taxe qu'ils appellent « lala salama » (“dormir bien” en swahili). Selon un témoin qui s'est confié à La Libre Afrique, “Ils se font payer pour assurer la tranquillité des commerçants. Si vous ne payez pas, ils vous tuent”.
Comme on fait son lit, on se couche. Evariste Ndayishimiye a fait alliance avec un régime incompétent à Kinshasa, pour motif de vouloir annihiler une rebellion tutsie, il doit désormais en assumer toutes les conséquences.
Il sied de rappeler, avant tout propos, que les FDLR (forces démocratiques de libération du Rwanda) qui sapent actuellement le régime de Kigali, sont des éléments résiduels des Interahamwe, mondialement reconnus comptables du plus grand génocide du siècle perpétré contre les tutsis du Rwanda en 1994.
Cela étant, s'adjoindre à eux revient à déclarer la guerre à Kigali et de mettre en péril le Burundi déjà en proie aux pires difficultés sécuritaires, socio-économiques et politiques de son histoire.
Il sied de souligner également que sur terrain en RDC, le rapport de force est déconcertant. En dépit du renfort burundais, le M23 gagne du terrain et menace de s'accaparer de Goma, capitale du Nord-Kivu. Selon toujours La Libre Afrique, "même la garde républicaine (GR), la troupe d’élite de l’armée congolaise, qui dépend directement du chef de l’État, semble abandonnée à son sort dans cette ville qui abrite désormais près de 2 millions d’âmes. Certaines des armes utilisées pour ces crimes et exposées par le maire de Goma, suite à des arrestations en milieu de semaine, étaient des modèles exclusivement utilisés par les GR."
Evariste Ndayishimiye a donc pris l'option de se ranger dans le camp du vaincu de demain. L'humiliation attendue de Tshisekedi sera aussi la sienne. Sauf, peut-être, qu'en guise de butin de guerre, il aura personnellement amassé des milliers de dollars promis a priori. Mais à quel prix ? A quel déshonneur national, vu que les militaires burundais se battent sous le drapeau ou treillis militaires des FARDC et que ceux qui sont fauchés se perdent incognito, dans une totale désolation de leurs familles?
Au final, le Burundi se sera donc inutilement fait un ennemi de plus en l'occurrence le Rwanda.
Or, dans le contexte actuel, il ne devrait pas s'offrir le luxe de multiplier ses ennemis en se brouillant notamment avec le Rwanda, pays avec lequel il partage la frontière, la langue et l'histoire.
La RDC va poursuivre sa descente aux enfers et le Burundi avec. Car le mal congolais procède, à vrai dire, de la mal gouvernance. En s'alliant à la RDC, le général Evariste Ndayishimiye qui caracolait déjà en tête des mauvais élèves de la bonne gouvernance démocratique, s'est donc attiré la contagion de la malchance et du malheur. Ou a-t-il simplement choisi de s'associer à son semblable, comme quoi, qui se ressemble s'assemble!
Nul n'ignore qu'on peut mourir du malheur d'autrui. En voulant aider celui qui se noie, on court à sa propre perte. C'est pourquoi il est plus stratégique de préférer la compagnie de ceux à qui tout réussit.
Ainsi, au lieu de lui tourner le dos, les autorités burundaises devraient pactiser avec le Rwanda et apprendre de lui, vu qu'il est devenu un modèle de succès, de relance économique à l'échelle africaine trente ans après le chaos et la désolation nés du génocide contre les tutsis.
Si le CNDD-FDD du général Evariste Ndayishimiye veut toujours se projeter dans la même optique de libération qui a porté le FPR aux commandes de l'autre côté de la Kanyaru, le contexte politique, économique et social est complètement différent.
Le FPR est arrivé aux commandes dans un pays dont les institutions avaient été complètement détruites, des millions de citoyens massacrés, des millions en exil, la banque centrale complètement saccagée, les magasins de l'armée complètement pillés et une fonction publique complètement détruite.
Le CNDD-FDD, quant à lui, est passé d’un mouvement rebelle à un parti politique grâce à des négociations et à des compromis politiques et a hérité d’un pays qui avait maintenu, bien que loin d’être parfaites, des institutions étatiques de base et fonctionnelles.
Le Rwanda a donc travaillé dur, créé et entretenu des alliances pour l'aider à renaître des cendres du génocide. Le Burundi, d’un autre côté, a gâché et dilapidé la bonne volonté des partenaires de développement traditionnels qui étaient désireux d’aider à l’édification d'une nation qui sortait d'une longue période de conflit socio-politique.
Et c'est cette différence qui a créé des perspectives économiques disparates entre les deux voisins, et visiblement une source d'envie et de jalousie de l'un envers l'autre.
A n'en pas douter, le Burundi risque de devenir la risée de la planète entière pour s'être rangé du côté de Kinshasa, incarnation de l'échec, de la défaite et de "l'inorganisation" existentielle.
Il ne serait pas superflu de rappeler qu'en dépit de la haine et de la méfiance entre Kigali et Kinshasa, les autorités congolaises n'ont jamais daigné fermer les frontières terrestres avec le Rwanda. Car dans son for intérieur, la RDC est pertinemment convaincue qu'elle a besoin du Rwanda pour tenir un minimum de vie dans sa partie de orientale.
Et pour preuve. A l'est de la RDC, la population congolaise, réclame déjà le début d'un dialogue entre les deux parties pour trouver un terrain d'entente et rétablir la paix.
Le Burundi ne manquera pas de tomber des nues en les regardant, bientôt, bras dessus bras dessous. Commencera alors une période d’isolement du Burundi dans la région. Evariste Ndayishimiye, qui n’a pas su capitaliser sur sa présidence de l’EAC pour positionner le Burundi comme une force du bien capable de jouer dans la cour des grands, se retrouvera en marge de toute tentative de recherche de solution au probleme de l'Est de la RDC.
Au lieu de se jeter à pieds joints dans ce conflit interne congolais, le Burundi avait bien sûr le choix : jouer un rôle constructif ou rester neutre !