Tancé par deux médias libres, Ndayishimiye évite une brûlante question sur les droits de l'homme au Burundi
Le président semble croire que l'image du pays et de son régime est écornée « À cause de ces gens-là, qui veulent faire des rapports biaisés... ». Comme un malade qui blâme le médecin qui vient de diagnostiquer sa maladie, le président fait un mauvais choix de cible pour son ire. Et pourtant il y a une façon générale de répondre aux questions qui dérangent sans jouer aux constations défensives. N'aurait-il pas été juste de soulever la questions de manque de capacités au sein de la police, justice and administration au niveau local?
En marge de sa participation au 18ème sommet de la Francophonie organisé en Tunisie, le chef de l'Etat burundais, Evariste Ndayishimiye a accordé une interview exclusive à deux journalistes prestant pour RFI et France 24.
Accroché par les deux médias libres sur la brûlante question des droits de l'homme qui sont toujours en mode violation au Burundi, conformément au dernier rapport du Rapporteur spécial de l'ONU sur le Burundi, le chef de l'Etat burundais a botté en touche en esquivant la question qui dérange .
« Non, vraiment, jusqu'à maintenant, on ne m'a pas encore montré où il y a eu violation des droits de l'homme. Je sais qu'il n'y a pas une personne qui commet un crime et qui reste impuni. Et vraiment, là, je m'y mets moi-même. Vous savez, j'ai mis à la disposition de tous les citoyens mon numéro de téléphone, mon numéro WhatsApp, c'est-à-dire que chaque fois qu'il y a violation des droits de l'homme, partout, toujours, ils dénoncent et je dois assurer le suivi. Qu'est-ce que celui qui est à l'extérieur peut connaître que moi je ne connaisse pas ? Je pense que ce sont des détracteurs qui font de la contre-propagande ».
Le Chef de l'Etat joue à l'ignorant à dessein. Pourtant Laurent Correau, journaliste à RFI avait bien contextualisé sa question.
« Lors de sa dernière réunion, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a adopté une résolution dans laquelle il condamne ce qu'il appelle « l'impunité généralisée » pour toutes les violations des droits de l'homme dans votre pays. Il demande à votre gouvernement de faire en sorte que tous les acteurs de telles violations, qu'ils soient membres des forces de défense et de sécurité ou membres du mouvement de jeunesse du parti, les Imbonerakure, aient à répondre de leurs actes. Est-ce que c'est une demande à laquelle vous êtes prêt à répondre en tant que chef de l'État ? ».
Comme pour le relancer, le journaliste lui a demandé s'il est à accueillir l'observateur de la Commission des droits de l'homme de l'ONU pour qu'il puisse constater lui-même tout cela au Burundi.
C'est alors que Ndayishimiye pique une colère bleue.
« À cause de ces gens-là, qui veulent faire des rapports biaisés, j'ai demandé au Haut-Commissariat des droits de l'homme des Nations unies de venir au Burundi pour que nous nous asseyions ensemble, afin d'analyser ensemble la situation, et voir ce que nous pouvons faire pour améliorer davantage la protection des droits de l'homme. Donc, nous n'avons pas peur que le Haut-Commissariat des droits de l'homme vienne au Burundi et que l'on puisse discuter de comment gérer les questions des droits de l'homme dans mon pays ».
La question précise porte sur le Rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme au Burundi. Pour noyer le poisson, le chef de l'Etat burundais se noie dans des commentaires sur le Haut Commissariat de l'ONU pour les droits de l'homme.
Mais Evariste Ndayishimiye a omis un détail de taille. En mars 2019, les autorités burundaises ont fermé le Bureau des droits de l'homme des Nations unies à Bujumbura. Elles avaient suspendu, depuis 2016, leur coopération avec cette représentation de l'ONU au Burundi.
Une sortie médiatique donc, qui vient d'exposer une leader qui n'a pas dans ses habitudes de parler aux médias indépendants. Une sortie qui vient d'exposer les faibles de l'équipe de communication du régime de Gitega. Tenez, il ne sert à rien de mentir devant les cameras des médias internationaux. Avant une interview de ce genre, des recherches bien fouillées et référencées sont faites par l'équipe de rédaction.
Nul n'ignore qu'il y a de problèmes grave d'atteinte aux droits humains au Burundi. Les journaliste de France 24 et RFI en sont au courant. AU lieu de verser dans des contestations puériles, il aurait fallu reconnaitre que justement le Burundi et le régime en place connaissent de problèmes liés aux droits humains, mais que les choses évoluent positivement et progressivement. Il fallait reconnaitre qu'il y a encore a faire et que le régime dispose d'un plan de redressement de l'état des droits humains. Des réponses dans ce sens auraient aidé à booster l'image du pays et de son président.
Le président semble croire que l'image du pays et de son régime est écornée « À cause de ces gens-là, qui veulent faire des rapports biaisés... ». Comme un malade qui blâme le médecin qui vient de diagnostiquer sa maladie, le président fait un mauvais choix de cible pour son ire. Et pourtant il y a une façon générale de répondre aux questions qui dérangent sans jouer aux constations défensives. N'aurait-il pas été juste de soulever la questions de manque de capacités au sein de la police, justice and administration au niveau local? Ne faillait-il pas admettre que le pays a besoin d'être épauler pour relever et consolider ces capacités tout en insistant sur le fait que le régime essaie de faire tout ce qu'il peut pour résoudre cette question de droits humains?
Il est clair que le président Evariste Ndayishimiye est victime d'une mentalité et technique de communication qui prônent le jeu défensif. Cette même mentalité cultivée par le feu président Nkurunziza., Un mal qui semble imprégner tous les niveaux de l'équipe de communication et de conseillers et ministres. D'ailleurs, Ndayishimiye est lui-même un pure produit de cette culture.
Des fois, il faut s'exposer aux idées contradictoires, aux questions qui dérangent et au débat contradictoire. Ndayishimiye vit dans un monde insulaire dénudé de tout débat contradictoire, où les ministres, conseillers et cadres d'état sont tous des flagorneurs. Ce culte flagorneur autour d'un leader finit par créer une bulle défensive qui, au moindre contact avec la réalité explose pour exposer sa crédulité et son détachement face à la réalité. C'est ce qui vient d'arriver à Evariste Ndayishimiye