Un « nettoyage » au Service des renseignements (SNR) : trois cadres arrêtés et mis au noir

Les hommes forts au pouvoir aujourd’hui, longtemps membres de l’aile dure du CNDD-FDD chercheraient à faire un « nettoyage » complet des éléments frondeurs soupçonnés d’être restés de mèche avec les anciens dignitaires du CNDD-FDD opposés au troisième mandat de feu Pierre Nkurunziza

Par
Burundi Daily
on
18.11.2020
Categorie:
Politique

Réputé monstrueux pour le massif bain de sang d’innocents qu’il fait couler depuis des lustres, le fameux Service National des Renseignements burundais (SNR) est, depuis peu, à la Une de l’actualité pour une toute autre histoire de chasse : une chasse à l’homme aussi inattendue qu’interne, visant ses propres éléments incontrôlés. Des langues pendantes qui, par leur indiscrétion présumée, donneraient du grain à moudre aux opposants avides de la primeur de ses multiples exactions.


C’est dans cette logique d’auto-nettoyage que s'inscrit l’arrestation, coup sur coup, d’un certain Emmanuel Nsabimana, directeur des renseignements généraux au SNR ; de Dieudonné Nshimirimana, Conseiller politique et sécuritaire ; et de Télésphore Bigirimana, ancien porte-parole du SNR.

Ancien directeur de la Radio publique africaine (RPA), Emmanuel Nsabimana, natif de l'Imbo aurait été recruté au SNR par le général Ntirampeba Agricole pour déstabiliser la RPA


Ancien directeur de la Radio publique africaine (RPA), Emmanuel Nsabimana, ce natif de l'Imbo aurait été recruté au SNR par le général Ntirampeba Agricole lui-même natif de l'Imbo et alors chef de Cabinet du feu Général Adolphe Nshimirimana. Son recrutement s’inscrivait dans le plan de la déstabilisation de la Radio Publique Africaine, une radio indépendante dont il venait d'être le directeur. C'est ainsi qu'il a vite été nommé chef de service sécurité intérieure, poste stratégique et qui est au cœur de toutes les violations qui sont perpétrées par le SNR. Il aurait vite démérité et rejeté par le General Adolphe Nshimirmana qui le soupçonnait d’entretenir des liens avec des anciens collègues de la Radio Publique Africaine. Il paraîtrait donc qu’il a continué à traîner derrière lui et malgré lui l'ombre de la RPA. Il est actuellement interné au cachot de Rutana tandis que son collègue Dieudonné Nshimirimana est coffré à Ruyigi et Télésphore Bigirimana est à Bururi.

Nshimirimana Dieudonné, un Tutsi de Rutovu est entré au SNR en 2005 pour le compte du CNDD-FDD, dans le processus d'intégration dans les corps de défense et de sécurité. Il n’était cependant pas ancien combattant des mouvement rebelles. Depuis son entrée aux services secrets Burundais, il aurait occupé le poste de Conseiller de l'administrateur général du SNR jusqu'à sa tombée en disgrâce en 2017. Il avait le grade d'administrateur principal chef (APC) .
Depuis 2017, il était sans aucune fonction officielle. Nshimirimana Dieudonné et Birigirimana Télesphore et seraient les principaux rédacteurs de la fameuse note de renseignement que le général Niyombare Godefroid alors administrateur général du SNR, avait adressée à feu Président Nkurunziza lui conseillant de ne pas briguer le 3ème mandat.

Telesphore Bigirimana aurait été un des rédacteurs de la fameuse note de renseignement que le général Niyombare Godefroid alors administrateur général du SNR, avait adressée à feu Président Nkurunziza lui conseillant de ne pas briguer le 3ème mandat


Bigirimana Télesphore est quant à lui natif de Ngozi et a été Directeur du Département de la Presse et des Technologies de la Communication au SNR de 2006 à 2016 . Il fut aussi le porte-parole de ce service. Il aurait été écarté des services secrets par Nkurunziza. Soupçonné d'être un frondeur et en raison de la fameuse note du Général Godefroid Niyombare dont il aurait été un des rédacteurs centraux, il s’est vu mutée vers l'Agence Burundaise de Presse (ABP), organe de presse public. Il ne passera à tête de l’ABP que deux ans avant d’être nommé Directeur du Département de l'Information au ministère de l'intérieur, un poste qu’il occupait jusqu' à son arrestation.

Cette vague de « nettoyage » des services secrets a démarré avec l’interpellation de l’ancien porte-parole du Service national des renseignements, Télesphore Bigirimana, pour une affaire de détournements de fonds à l’Agence burundaise de presse, ABP, dont il avait quitté la direction en 2019.

Arrêté initialement pour l’infraction de détournement de fonds, la police a ajouté bien d’autres infractions plus lourdes et inquiétantes. C’est alors que les deux autres cadres lui ont succédé dans la geôle.

Selon des sources policières, les trois cadres seraient accusés de divulguer des secrets professionnels, notamment auprès de l’opposition, des journalistes et médias en exil et des militants des organisation internationales de droits de l’homme.  Ils sont officiellement accusés de « trahison et violation du secret professionnel ». D’autres cadres de ce service seraient dans la ligne de mire.

Au lendemain des élections générales controversées de 2020 et en plein contexte de répressions des opposants présumés et de multiplications des cas d’assassinats ciblés, le Service national des renseignements, SNR, aurait décidé de colmater les brèches afin que les ONG des droits de l’homme qui s’adonnent au monitoring des cas de violations n’aient plus rien à se mettre sous la dent.

Le régime burundais s’inquiète particulièrement de l’efficacité de la campagne « Ndondeza, sur les traces des disparus », initiée par Pacifique Nininahazwe, leader de la société civile en exil. L’exactitude des informations qui filtrent aux organisations internationales et ambassades des pays étrangers au Burundi inquiètent les hommes forts du régime de Gitega qui se savent auteurs de terribles exactions contre les vies des civils burundais.

Les hommes forts au pouvoir aujourd’hui, longtemps membres de l’aile dure du CNDD-FDD chercheraient à faire un « nettoyage » complet des éléments frondeurs soupçonnés d’être restés de mèche avec les anciens dignitaires du CNDD-FDD opposés au troisième mandat de feu Pierre Nkurunziza.

Cette chasse a l’homme interne au sein du service qui normalement fait la chasse sur le territoire nationale vise à « purifier » un service devenu très fort et très dangereux. Alors que la loi organique No 1/17 du 11 Juillet 2019 place le SNR sous le contrôle du seul président de la république, il n’était jusqu’ici pas une administration spécialisée rattachée à la présidence de la république. Il a récemment repensé en une administration spécialisée au sein de la présidence, visiblement pour des raisons stratégiques de pression et de répression des insoumis.

Ce « nettoyage » interne traduit donc un malaise et une paranoïa qui s’installent de plus en plus au sein de la clique au pouvoir engagé dans une lutte pour le contrôle du pouvoir à la tête du régime CNDD-FDD enfin de s’assurer d’une certaine protection contre des ennuis potentiels découlant de leur implication dans des atrocités contre l’humanité commises au Burundi depuis 2015.

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