Burundi/DRC: quand l’armée burundaise sert la sécurité personnelle de Tshisekedi

Depuis le début de la guerre en RDC, le Burundi semble manquer d’une stratégie cohérente, tant sur le plan militaire que diplomatique. L’engagement en dehors de tout mécanisme international a été une erreur stratégique, mais il est difficile de la qualifier de totalement évitable : l’offre financière de Tshisekedi — plusieurs millions de dollars — a fourni à Ndayishimiye une source de devises dont le pays avait désespérément besoin et un enrichissement personnel immédiat.

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20.10.2025
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La Region

Près de 200 militaires burundais ont été dépêchés à Kinshasa début octobre pour assurer la protection du président congolais Félix Tshisekedi. Cette décision soulève des questions sur la nature réelle de l’engagement : s’agit-il d’une coopération bilatérale classique ou d’un accord informel dont seuls les deux chefs d’État seraient bénéficiaires ?

Selon des sources concordantes, les soldats burundais, sélectionnés et embarqués depuis Bujumbura, ont suivi un entraînement intensif dispensé par des instructeurs russes. Il s’agit de la première phase d’un dispositif qui pourrait s’étendre à un bataillon complet, confirmant la volonté de Tshisekedi d’avoir une protection étrangère dans un contexte où sa confiance dans son armée nationale est fragilisée.

Le déploiement burundais intervient dans un contexte militaire délicat. Depuis le début de la guerre en RDC, le Burundi semble agir sans stratégie claire, tant sur le plan militaire que diplomatique. L’engagement en dehors de tout cadre international a été risqué, mais l’offre financière de Tshisekedi — plusieurs millions de dollars — a fourni à Ndayishimiye des ressources précieuses pour son pays et pour lui-même.

Cette décision rapproche fortement Ndayishimiye de Tshisekedi, donnant à son armée un rôle stratégique inédit. Cependant, elle expose le Burundi à des risques considérables. Les pertes face au M23 ont déjà fragilisé la morale des troupes, révélant une armée incapable de prendre soin de ses morts et de leurs familles, avec des soldats effrayés et démoralisés. ces pertes importantes dans les combats contre le M23 ont laissé des traces profondes sur la morale des troupes et sur l’opinion publique. Le traitement des familles des victimes a été jugé inadéquat, exposant une armée dysfonctionnelle, incapable de prendre soin de ses soldats morts au combat: un échec colossal pour une armée qui se veut professionnelle. La peur s’est installée dans les rangs, réduisant l’efficacité opérationnelle et compromettant la cohésion. Une armée effrayée hésite sur le terrain ; une direction confuse empire la situation.

Le déploiement à Kinshasa souligne aussi une intimité politique entre les deux chefs d’État qui dépasse largement une simple coopération militaire. La décision semble répondre davantage à des intérêts personnels qu’à une logique stratégique régionale.

Depuis le début de la guerre en RDC, le Burundi semble manquer d’une stratégie cohérente, tant sur le plan militaire que diplomatique. L’engagement en dehors de tout mécanisme international a été une erreur stratégique, mais il est difficile de la qualifier de totalement évitable : l’offre financière de Tshisekedi — plusieurs millions de dollars — a fourni à Ndayishimiye une source de devises dont le pays avait désespérément besoin et un enrichissement personnel immédiat.

Un autre risque important provient de la relation entre les troupes burundaises et l’armée congolaise (FARDC). Les FARDC, mal payées, mal nourries et mal équipées, pourraient ressentir une profonde frustration et jalousie face aux soldats burundais, qui sont mieux nourris et équipés, et dont la présence est liée à une rémunération très supérieure pour l’État congolais ($5 000 par soldat, même si elle n’est pas directement versée aux militaires burundais). Cette tension pourrait transformer une coopération militaire en conflit latent sur le terrain, menaçant la coordination et l’efficacité des opérations conjointes.

La situation est d’autant plus délicate qu'Uvira pourrait tomber aux mains du M23. Dans ce cas, Ndayishimiye se retrouverait avec un voisin hostile, un scénario compliqué pour un pays dont les frontières terrestres totalisent 1 140 km, dont 236 km avec la RDC, 315 km avec le Rwanda et 589 km avec la Tanzanie. L’engagement militaire à Kinshasa pourrait donc se retourner contre lui, créant un voisinage tendu et potentiellement dangereux.

Pour Bujumbura, la question est désormais double : comment tirer parti de cette proximité avec Tshisekedi sans compromettre sa sécurité et sa stabilité, et comment gérer une armée démoralisée et confrontée à de lourdes pertes sur un terrain étranger ?

Mais au-delà de ces considérations, une question vitale se pose : jusqu’où ira Ndayishimiye dans son soutien à Tshisekedi ? L’avenir de cette alliance, et ses conséquences pour la stabilité du Burundi, restent pour l’instant incertains.

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