Burundi/Rwanda: Elucider le passé colonial pour établir la part de la tutelle belge dans le chaos

Ce rappel très succinct de la fin de la Tutelle belge au Burundi, démontre à quel point le Rwanda et le Burundi sont intrinsèquement liés par l’histoire de la colonisation d’abord allemande. Celle-ci s’est poursuivie avec le Mandat de la Société des Nations et la Tutelle des Nations Unies que la Belgique a exercés sur ces deux pays.

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Burundi Daily
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3.10.2020
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Diplomatie

Le Rwanda et le Burundi sont intrinsèquement liés par l’histoire de la colonisation d’abord allemande puis par la tutelle belge. La tutelle belge est le résultat du mandat de la Société des Nations et la Tutelle des Nations Unies que la Belgique a exercés sur ces deux pays. La tragédie qui a frappé le Rwanda et détruit son tissu social en 1959 aurait pu également embraser le Burundi, pays alors sous tutelle belge comme l’était le Rwanda.


Selon Athanase Karayenga, journaliste chevronné et témoin privilégié des grands moments de l’histoire coloniale des deux pays frères au destin commun, il faudrait créer une «Commission Vérité/Réconciliation chargée de revisiter le passé colonial belge».


Cette Commission comprendrait, en son sein, des experts burundais pour apporter « un regard complémentaire et apaisé sur ce passé commun».

Dans un réquisitoire intitulé «l’avis des Burundais compte», Athanase Karayenga décrit, non sans minutie, le plan d’embrasement des deux pays volontairement ourdi par la tutelle belge est assumé par le dernier Vice-gouverneur Général du Ruanda-Urundi, M. Jean-Paul Harroy.

Le déroulé de sa description est le suivant :

En Août 1977, Journaliste à la Radio Nationale du Burundi, je couvrais la première visite officielle du Président Jean-Baptiste Bagaza au Rwanda. Le Président burundais fut accueilli par le Président Juvénal Habyarimana. Cette question a été posée au dernier Vice-gouverneur Général du Ruanda-Urundi, Jean-Paul Harroy qui séjournait alors à l’Hôtel Mille Collines à Kigali.


« M. Jean-Paul Harroy, le 1er Novembre 1959, le Rwanda flambe. Pourquoi le Burundi ne  flambe-t-il pas ?».

Réponse: « Et pourtant la tutelle belge avait prévu que les deux pays flambent en même temps, le même jour, la même heure».


Question. « Qu’est-ce qui a protégé le Burundi?»


Réponse: «Les négociations pour l’indépendance avec les Burundais étaient très vives et très tendues. Parfois, nous en étions presque à nous étrangler par le col des chemises. Dans la délégation burundaise figurait un politicien, M. André Muhirwa. Il avait un sens de l’humour exceptionnel. Au plus fort de la tension, il racontait des blagues. Eclats de rire général. Et les négociations reprenaient détendues. Je peux dire que le Burundi a été sauvé par l’humour irrésistible d’André Muhirwa. En outre, les Burundais m’ont respecté jusqu’au bout».


Le Burundi a donc frôlé la catastrophe. Selon Athanase Karayenga, le Burundi aurait pu sombrer aussi dans le chaos et connaître le même sort tragique que le Rwanda. «La révolution sociale» de 1959 a pris, dans ce pays jumeau du Burundi, les formes d’une guerre civile atroce dont la conception et l’organisation, pour le compte de la Tutelle belge, a été assumée par le Colonel Logiest.


Le même Colonel Logiest a d’ailleurs aussitôt transformé l’essai en créant un « Conseil Intérimaire »  composé  de  64  Conseillers  Communaux.  Lesquels  ont  formé  une «Assemblée Constituante» et ont confié le pouvoir exécutif à  Mbonyumutwa. Ainsi, le 28 Janvier 1960, après le Coup d’Etat de Gitarama, la Monarchie rwandaise était-elle abolie et la République proclamée.


«Le 29 Janvier 1960, le Burundi échappe, encore une fois de très peu, à « la solution rwandaise». A Gitega, le Résident Robert Régnier, secondé par M. Jacques Jaspers, avait décidé, au nom de la Tutelle belge, de constituer, lui aussi un « Conseil Intérimaire » composé de 64 Conseillers Communaux.


Avant de passer à l’acte, il avait consulté le roi Mwambutsa qui avait marqué son accord de principe pour la mise sur pied d’un « Conseil Intérimaire » Le roi a informé un groupe de Conseillers, dont Louis Rwagasore, qu’il avait donné son accord pour la constitution de ce «Conseil Intérimaire». Affolement dans l’entourage du roi.


Les Conseillers lui font remarquer qu’il s’agissait d’un piège qui aboutirait, comme au Rwanda, à sa propre destitution et à la proclamation de la République. Ils lui suggèrent de retourner rapidement voir le Résident Robert Régnier afin de lui indiquer qu’il avait changé d’avis et qu’il n’était plus favorable à la création de cet organe dont il ne voyait plus la pertinence.


Avant que le roi Mwambutsa n’arrive chez le Résident Robert Régnier, atterrit à Magarama, le petit aéroport de Gitega, une Commission des Nations Unies. Celle-ci était dépêchée au Burundi après l’adoption, le 29 Décembre 1960, de la Résolution 1579 par l’Assemblée Générale des Nations Unies.


La Commission avait pour mission d’effectuer une enquête sur les élections communales au cours desquelles avaient été élus précisément les fameux « Conseillers Communaux » dont la Tutelle Belge voulait se servir au Burundi comme au Rwanda pour abolir la Monarchie.

La Commission des Nations Unies devait également évaluer le processus électoral communal au Burundi, arrêter les préparatifs des élections législatives prévues dans la foulée par la Tutelle belge, faire libérer Louis Rwagasore mis en résidence surveillé à Bururi le 27 Octobre 1960 et établir un nouveau calendrier électoral.


Les acteurs impliqués dans l’administration du Burundi et du Rwanda, l’avaient peut- être oublié un peu trop vite ? Les deux pays étaient administrés pour le compte des Nations Unies. Et c’est grâce à cette organisation internationale que le Burundi a acquis l’indépendance sans passer par la case du bouleversement des institutions façon Colonel Logiest et son « Assemblée constituante » avant proclamation de la République.


L’UPRONA, le parti de l’Indépendance, le parti du Prince Louis Rwagasore, le fils aîné du roi Mwambutsa, avait obtenu 19% des voix aux élections communales de début 1961. Il obtiendra 91% aux législatives du 18 septembre 1961. L’indépendance du Burundi sera proclamée le 1 Juillet 1962. Entretemps, hélas, le Prince Louis Rwagasore, héros de l’indépendance avait été assassiné. Un autre chapitre très douloureux de l’histoire du Burundi sous la Tutelle belge.


Ce rappel très succinct de la fin de la Tutelle belge au Burundi, démontre à quel point le Rwanda et le Burundi sont intrinsèquement liés par l’histoire de la colonisation d’abord allemande. Celle-ci s’est poursuivie avec le Mandat de la Société des Nations et la Tutelle des Nations Unies que la Belgique a exercés sur ces deux pays.


De ce fait, la présence d’experts burundais au sein de la Commission Vérité/Réconciliation chargée de revisiter le passé colonial belge est absolument indispensable. En effet, des experts Burundais apporteront un regard complémentaire et apaisé sur ce passé commun.


Ils enrichiront les débats et les échanges avec des experts belges, congolais et rwandais dans le souci constant d’éviter la polémique stérile, la stigmatisation et la culpabilisation.


Du reste, les jeunes générations burundaises souhaitent, avant tout, connaître la vérité des faits historiques liés à la colonisation belge. Revisiter la période coloniale peut se faire sans raviver les souffrances du passé mais plutôt en s’inspirant du discours de Louis Rwagasore du 18 Septembre 1961 et inventer de nouvelles solidarités belgo- burundaises. D’autant plus que des Belges de souche burundaise constituent depuis plusieurs années un formidable trait d’union entre nos deux peuples.


Athanase Karayenga précise, en outre, qu’un collectif de Burundais de l’intérieur et de la diaspora s’est constitué afin de pouvoir fournir des historiens, des politologues, des économistes, des sociologues, des scientifiques et des journalistes de grande compétence intellectuelle afin qu’ils participent aux travaux de cette Commission Vérité / Réconciliation chargée de revisiter le passé colonial belge.


«Ce collectif m’a chargé de transmettre à toutes les éminentes personnalités qui peuvent contribuer à la prise de décision afin que des experts Burundais compétents soient associés aux travaux de cette Commission. La contribution des Burundais constituera un apport considérable et précieux. Dans ce domaine aussi, l’avis des Burundais compte», a-t-il conclu.


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