Evariste Ndayishimiye lance son boulet de démolition sur la seule force d'opposition au pays: Le CNDD-FDD gruge Agathon Rwasa, en le dépossédant de son parti, le CNL
C'est un exercice de démolition bien connu et bien répété. A l'approche des élections, il faut trier les cartes et bien les ranger.
La meilleure façon d'y parvenir, celle qui est bien rodée et qui a été déployée à maintes reprises, est celle de détruire l'adversaire en utilisant les pouvoirs conférés au ministère de l'Intérieur pour réguler les partis politiques. L'exercice consiste à déceler une transgression imaginaire du leader de l'opposition, puis à procéder à la suspension de toutes les activités politiques de l'opposition. Dans le même temps, fabriquer la dissidence interne en versant des millions aux membres les plus impitoyables de l’opposition. Enfin, prétendre résoudre la crise en permettant aux dissidents de tenir des assemblées générales dans le seul but d'évincer la véritable direction de l'opposition.
C'est ce qui vient encore d'arriver à Agathon Rwasa, seul leader d'une opposition viable et crédible au Burundi.
Après la démolition, explusion de Rwasa et récupération du FNL par le biais de Jacques Bigirimana, Agathon Rwasa vient d'être dépossédé de son nouveau parti, le (CNL) Congrès national pour la liberté.
Le hold-up a été minutieusement préparé par le régime CNDD-FDD par le biais du ménestrel Martin Ninteretse, chargé de l'Intérieur.
Ce dernier a instruit la police qui, à son tour, a fait un appel du pied à ses hommes et aux Imbonerakure pour encadrer la tenue d'un congrès national du CNL à Ngozi ce dimanche 10 mars 2024, afin d'éjecter l'opposant historique.
Agathon Rwasa a, au bout de la réunion, été remplacé par un illustre inconnu, Nestor Girukwishaka.
Cet éventail qui loue et quémande va accompagner le CNDD-FDD aux prochaines élections de 2025 pour crédibiliser les résultats.
Officiellement organisé par une dizaine de députés CNL frondeurs, le congrès a été tenu sous haute surveillance policière. Les vrais militants du CNL, y compris des députés, ont été tenus à l'écart par la police.
De l'avis de ceux qui ont suivi de près le déroulé de cette histoire rocambolesque, les congressistes étaient des anonymes, inconnus du parti ou plutôt des militants du CNDD-FDD ramassés dans les quatre coins du pays par des bus payés et négociés par le régime.
Voilà pour le factuel. Le tour est joué. Le CNDD-FDD se débarrasse donc d'un opposant qui lui portait ombrage car c'est Agathon Rwasa qui avait réellement gagné la présidentielle de 2020. Et au vu des malheurs multiformes qui sont le lot quotidien des Burundais aujourd'hui et dont le chef de l'Etat Evariste Ndayishimiye se moque éperdument, Agathon Rwasa allait gagner une fois de plus.
Le voilà débarqué de son propre parti. Mais avec cette « Nyakurisation », le gouvernement burundais recule sur le terrain de la gouvernance démocratique. Car l'éjection, de façon aussi ridicule, de l'opposant de taille comme Agathon Rwasa, ne glorifie pas le CNDD-FDD au pouvoir depuis 2005 et visiblement incapable de désembourber le pays à tous points de vue. Les activités du CNL ont été suspendues sur tout le territoire depuis plus d'une année.
Toujours reconnu par le ministère de l'intérieur comme le leader légitime du parti CNL, Agathon Rwasa avait demandé l'autorisation de tenir, le 3 mars dernier, un congrès national pour régler la question qui divise son parti mais le ministre Martin Ninteretse lui a opposé un niet catégorique. Curieusement, les dix députés frondeurs ont tenu le congrès sans aucune permission écrite mais sous la bénédiction des autorités; et visiblement en désaccord avec les règles et règlements internes du parti.
L'immixtion du ministre de l'Intérieur dans le fonctionnement interne du CNL viole l'article 80 de la constitution. « La loi garantit la non-ingérence des pouvoirs publics dans le fonctionnement interne des partis politiques ».
Dans tous les cas, le chef de l'Etat qui, au finish, est comptable de ce gâchis organisé, vient de prouver à la ville et au monde que le Burundi est tout sauf un Etat de droit. Car dans son aspect définitoire, l'État de droit repose sur trois piliers : le respect de la hiérarchie des normes ; l'égalité des citoyens devant la loi et la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire). Rien de tout cela n'est vrai au Burundi.
Cet acte de sabotage du seul parti politique qui a un capital politique suffisant pour constituer une vraie oppostion risque de créer des conditions d’un malaise social et d’une instabilité politique, dans un contexte géopolitique très tendu. Le Burundi est à couteaux tirés avec son voisin du nord. Son armée a été déployée pour lutter contre le M23 aux côtés de l'armée de la RDC. Un mouvement rebelle, RED TABARA qui dit combattre le pouvoir de Gitega a déjà mené quelques attaques meurtrières dans les zones frontalières du Burundi et de la RDC.
Les tensions internes au sein du parti au pouvoir s’accentuent également. Des désaccords publics entre le président et le tout-puissant secrétaire général du parti au pouvoir commencent à apparaître.
Cette démolition du parti de Rwasa Agathon semble également être un acte d’auto-sabotage. Le Burundi s’efforce désespérément de regagner la confiance des bailleurs de fonds qui avaient refusé de fournir de l’aide au Burundi après l’usurpation du pouvoir en 2015 par Pierre Nkurunziza.
Ce dernier acte antidémocratique va renforcer dans l’esprit des bailleurs de fonds le sentiment selon lequel le parti au pouvoir au Burundi n’est pas un partenaire sérieux.