Quand la colère des Wazalendo fragilise le Burundi: Le régime de Gitega se retrouve dans un piège géopolitique qui risque de le fragiliser d'avantage
La situation à Uvira ne se limite plus à un simple désordre sécuritaire. Elle est en train de se transformer en un foyer de tensions qui risque de déstabiliser non seulement l’est de la RDC, mais aussi le Burundi. Les Wazalendo, milices congolaises devenues incontrôlables, poursuivent leur croisade identitaire contre tout ce qui ressemble de près ou de loin à un Tutsi
La situation sécuritaire se dégrade dangereusement dans la ville d’Uvira, en République démocratique du Congo. Hostiles au général FARDC Olivier Gasita en raison de son faciès, les Wazalendo ont mis la ville à feu et à sac. Ils exigent son départ immédiat, bien qu’il soit réputé loyal envers Kinshasa. Mais pour eux, son identité tutsie Banyamulenge suffit à le rendre indésirable. Ils le traitent de « Rwandais » et jurent de tout brûler tant qu’il n’aura pas quitté la région. Gasita a pourtant été dépêché récemment pour coordonner les opérations des FARDC dans la guerre contre le M23.
Dans leur logique aveugle, les Wazalendo réclament non seulement son départ, mais ils s’attaquent aussi à tous ceux qui, par leur faciès, rappellent les Tutsis congolais. Dans la matinée de ce jeudi, la tension est montée d’un cran : des barricades ont été dressées à Kilomoni, bloquant la route vers la frontière entre Uvira et Bujumbura. Des manifestants armés de machettes et de gourdins se sont opposés à l’entrée d’une délégation provinciale venue du Burundi, répétant leur exigence de voir le général Gasita partir.
Ce climat explosif affecte directement le Burundi. D’une part, les Wazalendo empêchent déjà les trafiquants de carburant de s’approvisionner à Uvira pour ravitailler Bujumbura. Si ce blocus devait s’étendre officiellement aux frontières entre le Burundi et la RDC, l’économie burundaise, déjà exsangue, risquerait l’asphyxie. Dépendant largement du carburant provenant de l’est congolais, le pays se retrouverait totalement paralysé. Une telle implosion économique pourrait embraser la rue à Bujumbura.
Par ailleurs, l’armée burundaise déployée aux environs d’Uvira se verrait confrontée à des difficultés logistiques majeures. Les ravitaillements deviendraient périlleux, nécessitant l’escorte de convois militaires, ce qui augmenterait encore les tensions locales. Plus grave encore, la méfiance viscérale des Wazalendo à l’égard des militaires au faciès tutsi pourrait rapidement se tourner contre l’armée burundaise elle-même. En effet, la majorité des troupes déployées en RDC par Gitega sont issues de la communauté tutsie, un choix délibéré du CNDD-FDD. Cette stratégie, présentée comme un gage de proximité avec les FARDC face au M23, pourrait en réalité dissimuler une manœuvre cynique : utiliser ces soldats tutsis comme chair à canon à l’étranger, tout en facilitant leur élimination progressive au sein d’une armée que le CNDD-FDD ambitionne de remodeler sur des bases monoethniques.
Les Wazalendo, réplique idéologique des Imbonerakure burundais (appendice du parti au pouvoir CNDD-FDD), ciblent déjà les civils tutsis Banyamulenge, allant jusqu’à utiliser des drones pour traquer les habitants sans défense dans les collines de Minembwe. Le M23, de son côté, accuse directement les militaires burundais et met en garde Bujumbura contre l’usage de drones pour bombarder des civils depuis l’aéroport de la capitale burundaise.
En s’alignant sans réserve sur la diplomatie du chéquier venue de Kinshasa, le président Évariste Ndayishimiye risque d’avoir manqué un tournant historique. Le Burundi tout entier pourrait bientôt payer le prix de cette stratégie aventureuse.