La Table Ronde des Investisseurs au Burundi : Quand l’On Ignore le Diagnostic pour Prescrire des Placebos

Le président Obasanjo, dans sa sagesse légendaire, n’a pas manqué de rappeler une vérité élémentaire : « Les investisseurs ne sont pas des agences de développement. Ils ne viennent pas distribuer des pansements ni offrir des sermons ; ils cherchent du rendement. » Investir, mesdames et messieurs, ce n’est pas un acte de foi, c’est une quête pragmatique. Les investisseurs regardent où ils posent leurs valises, et pour eux, les terrains minés de corruption, d’instabilité politique et de misère généralisée ne sont pas des destinations de rêve.

Par
Emery Igiraneza
on
7.12.2024
Categorie:
Economie

La grande table ronde des investisseurs qui vient de s’achever au Burundi était censée être un moment d’espoir, une porte ouverte sur l’avenir radieux promis par la Vision 2040-2060. Mais que s’est-il passé réellement ? Une scène surréaliste où un patient en pleine crise chronique s’efforce de convaincre des médecins qu’il est prêt pour un marathon, tout en ignorant les multiples fractures et infections qui gangrènent son corps. Oui, le Burundi, dans son obstination presque héroïque, s’est efforcé de séduire des investisseurs, tout en négligeant l’évidence : avant d’investir, il faut guérir.

Les investisseurs ne sont pas des médecins ni des missionnaires

Le président Obasanjo, dans sa sagesse légendaire, n’a pas manqué de rappeler une vérité élémentaire : « Les investisseurs ne sont pas des agences de développement. Ils ne viennent pas distribuer des pansements ni offrir des sermons ; ils cherchent du rendement. » Investir, mesdames et messieurs, ce n’est pas un acte de foi, c’est une quête pragmatique. Les investisseurs regardent où ils posent leurs valises, et pour eux, les terrains minés de corruption, d’instabilité politique et de misère généralisée ne sont pas des destinations de rêve.

Un patient qui ignore son propre diagnostic

Ce qui frappe dans cette affaire, c’est l’incapacité de l’État burundais à admettre sa propre maladie. Comme le dit le proverbe burundais : Uwuja gukira indwara arayirata – « Celui qui veut guérir commence par reconnaître sa maladie. » Or, que fait le Burundi ? Il parade dans les salles de conférence internationales avec un sourire éclatant, pendant que ses institutions chancellent, son système éducatif s’effondre, et sa population s’enlise dans la pauvreté.

Les participants là la table rondes des investisseurs au Burundi. Photo @Kwa-Ntare

Les réformes indispensables : un remède amer mais nécessaire

Si le Burundi veut vraiment séduire les investisseurs, il lui faudra d’abord avaler une pilule amère : celle des réformes. Voici les domaines qui demandent une intervention urgente, sinon chirurgicale :

1. Gouvernance : La corruption n’est pas seulement une nuisance ; c’est un cancer qui ronge l’âme même d’un pays. À quoi bon inviter des investisseurs si leurs fonds disparaissent dans les poches de fonctionnaires véreux ?

2. Stabilisation économique : L’économie burundaise est comme une maison sans toit, exposée aux intempéries. La pauvreté et l’inflation écrasent le pouvoir d’achat, rendant tout investissement localement non viable.

3. Infrastructures : Des routes impraticables, une électricité intermittente, et une absence totale de services d’urgence – voilà la réalité burundaise.

4. Investissements sociaux : L’éducation et la santé ne sont pas des options, mais des piliers. Un pays sans citoyens qualifiés et en bonne santé ne peut espérer retenir, encore moins attirer, des capitaux étrangers.

5. Stabilité politique : Les tensions politiques et les violations des droits humains ne sont pas seulement des problèmes éthiques ; ce sont des signaux d’alarme pour les investisseurs.

Un appel à l’humilité et au réalisme

Le plus grand obstacle au progrès du Burundi n’est pas le manque de ressources ou même la pauvreté ; c’est le déni. En refusant d’admettre l’ampleur de ses défis, le pays se condamne à répéter les mêmes erreurs. Les conseillers du président, ces « intellectuels » qui préfèrent flatter que confronter, portent une lourde responsabilité. Leur silence n’est pas une neutralité ; c’est une complicité.

Conclusion : Ne pas confondre vitesse et précipitation

Le Burundi doit comprendre que l’on ne construit pas une maison en commençant par le toit. Avant d’attirer des investisseurs, il faut créer les conditions propices à leur venue. Cela passe par des réformes courageuses, une gouvernance exemplaire et une reconstruction patiente des fondations économiques et sociales.

La question est donc la suivante : le Burundi saura-t-il écouter les signaux du destin ou continuera-t-il à ignorer son diagnostic pour prescrire des placebos ? Seul l’avenir nous le dira.

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Emery Igiraneza

Emery Pacifique Igiraneza est un spécialiste des relations internationales, de la mondialisation et de l'administration des affaires. Fort d'une vaste expérience au sein d'organisations internationales et du secteur public au Royaume-Uni et à l'étranger, il est actuellement président du mouvement politique burundais, MAP Burundi Buhire. Emery est titulaire de deux maîtrises—l'une en relations internationales et mondialisation de l'Université de Salford, et un MBA de la Greater Manchester Business School (Université de Bolton)—ainsi qu'un certificat professionnel en leadership de l'Université de Cambridge.