Les relations entre le Burundi et le Rwanda en berne!

Faut-il faire le deuil sur les bonnes relations entre le Rwanda et le Burundi ? La réponse est clairement oui. Sans aucun doute. Pour longtemps probablement. Et malheureusement pour les deux peuples. Ces relations demeureront sinistrées tant que le Burundi restera dans les griffes d'une alliance de forces toxiques qu'on pourrait regrouper dans un seul sigle : le CNDD-FDLR !

Par
Athanase KARAYENGA
on
14.10.2020
Categorie:
Opinion
PUBLIE POUR LA PREMIERE FOIS SUR BURUNDIDAILY LE 03/07/2020

(Par Athanase Karayenga)

Faut-il faire le deuil sur les bonnes relations entre le Rwanda et le Burundi ? La réponse est clairement oui. Sans aucun doute. Pour longtemps probablement. Et malheureusement pour les deux peuples. Ces relations demeureront sinistrées tant que le Burundi restera dans les griffes d'une alliance de forces toxiques qu'on pourrait regrouper dans un seul sigle : le CNDD-FDLR !


Le ver était déjà dans le fruit !


En 2018, lors d'une des séances des négociations infructueuses d'Arusha, un politicien burundais de haut rang et vivant en exil rencontre Evariste Ndayishimiye dans sa chambre d'hôtel. Avec celui qui n'était alors que Secrétaire Général du CNDD-FDD, l'hôte souhaitait échanger des idées sur la situation politique qui prévalait au Burundi. L'homme politique de l'opposition reçu par Evariste Ndayishimiye est Hutu. La précision sur sa communauté d'origine est importante.


Le visiteur souhaitait, en particulier, poser une question cruciale au futur chef d'Etat qui vient de succéder à Pierre Nkurunziza à la faveur d'une fraude électorale massive et assumée. Aujourd'hui, la réponse d'Evariste Ndayishimiye à la question de l’opposant revêt une importance capitale, presque prophétique. Car, devenu Chef d’Etat, il dispose du pouvoir pour mettre en œuvre une décision qui semble avoir été prise au moins deux ans auparavant sous le régime de Pierre Nkurunziza.


L'hôte d'Evariste Ndayishimiye lui pose donc, à peu près dans ces termes, la question qui lui brûlait les lèvres depuis un moment. « Le régime burundais veut-il vraiment faire la guerre au Rwanda ? » « Je vous conseillerais vivement, ajoute-t-il, d'arrêter l'escalade des mauvaises relations avec notre voisin du nord. »


Il faut d'abord s'assoir avant de lire la réponse renversante d'Evariste Ndayishimiye rapportée par son hôte ! « Nous allons continuer le projet. Et nous attaquerons le Rwanda. Nous avons des canons qui peuvent tirer des bombes de Bujumbura et atteindre Kigali. Nous, les militaires burundais, nous nous engagerons dans le combat au Rwanda sur le terrain. Quitte à confier le pays aux Imbonerakure. » Les Burundais et les Rwandais sont avertis ! Stupéfiant !

Pourtant, ni avant, ni pendant, ni après la campagne électorale du mois de mai 2020, Evariste Ndayishimiye ne s'est jamais exprimé sur l'épineuse question de la présence massive des Interahamwe au Burundi et sur la menace qu'ils font peser sur les relations entre les deux pays.


Secret de polichinelle !


Les Interahamwe constituent une armée d'occupation au Burundi. Ils assuraient la protection rapprochée de Pierre Nkurunziza. Leur unité de protection des institutions était la mieux équipée du pays en armement, semble-t-il. Ils ont infiltré la Police et l'Armée nationales. En avril 2015, ils ont joué un rôle décisif et particulièrement cruel dans la répression sanglante des manifestations populaires contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Car, selon le témoignage d'un Officier supérieur de la Police, des Interahamwe infiltrés et portant des uniformes de policiers burundais tiraient à bout portant et à balles réelles sur les jeunes burundais qui manifestaient. Sans en avoir reçu au préalable les ordres de la part d'aucun Officier de la Police burundaise.

Un combattant FDLR dans les forêts de la République Démocratique du Congo

Par ailleurs, les Interahamwe ont investi à tour de bras dans l'immobilier à Bujumbura notamment. A titre d'exemple, des villas cossues sortent de terre dans le quartier de Rohero en face du restaurant très connu « Chez André » situé sur la Chaussée Louis Rwagasore. A la suite de la faillite probablement provoquée par le régime burundais de la société de transport public, les FDLR ont créé une entreprise de transport urbain et disposent d'une flotte d'autobus.


En 2006, les FDLR auraient conclu un contrat juteux, très juteux même, avec le trio Pierre Nkurunziza, Adolphe Nshimirimana et Alain-Guillaume Bunyoni devenu Premier Ministre à la faveur du coup de force d'Evariste Ndayishimiye. Un député CNDD-FDD rencontré à Addis-Abeba en 2014 affirmait, révolté, que pour avoir le droit de vendre les minerais, dont des pierres précieuses extraites en République Démocratique du Congo (RDC) et importer de l'armement par l'intermédiaire de l'armée burundaise, les Interahamwe auraient payé 85 Kg d'or comme droit d'entrée et de séjour longue durée au Burundi. Ce magot aurait constitué, selon le même parlementaire, la base de l'enrichissement extravagant de certains caciques du régime burundais.


La déclaration ahurissante d'Evariste Ndayishimiye à Arusha en 2018 constituait une annonce prématurée de la stratégie qui a peut-être inspiré l'incursion des Interahamwe à Ruheru, dans le district de Nyaruguru au Sud-ouest du Rwanda.

En effet, des sources multiples indiquaient avant la campagne électorale achevée le 20 mai 2020, que l'attaque des Interahamwe au Rwanda, pouvait intervenir très rapidement après la proclamation des résultats. Le pouvoir burundais aurait préparé environ 3.000 Imbonerakure qui devaient accompagner les Interahamwe dans une attaque contre le Rwanda dont rêvent les FDLR et qu’elles présentent comme « la guerre définitive » de libération de leur pays d'origine. L’incursion de Ruheru constituerait-elle une provocation ou un test avant la mise en œuvre ultérieure du grand feu d’artifice ?


L'attaque de Ruheru


Malgré les dénégations habituelles du porte-parole de l'armée burundaise, cette attaque a bien eu lieu. Du reste, la Force de Défense Nationale du Burundi (FDNB) ne nie pas vraiment que l'attaque de Ruheru n'aie pas eu lieu. Son communiqué de presse alambiqué et signé par le Colonel Floribert Biyereke se contente d'affirmer un principe général. Trop général précisément pour être vrai. Surtout quand on sait que la règle au sein du régime burundais, c'est le déni et le mensonge.


Exemple récent. Hier, Dieu avait préservé le Burundi du Covid-19 car « notre beau pays » a donné la première place à Dieu. Alors que les ennemis stigmatisés par le CNDD-FDD mourraient confinés dans leurs appartements. Ainsi parlait, clamait plutôt, une jeune femme, une égérie en transe lors du lancement de la campagne électorale d’Evariste Ndayishimiye. Défense de rire et d’inclure le Rwanda dans la liste de ces ennemis avérés du régime burundais punis par Dieu. Surprise. Après le décès inopiné par « arrêt cardiaque» de Pierre Nkurunziza, le Covid-19 est devenu l’ennemi public n° 1 au Burundi. Dixit Evariste Ndayishimiye dans son allocution pendant les cérémonies commémorant 58 ans d’indépendance du Burundi. Au Burundi, le ridicule tue !


De ce fait, personne n'est surpris par le contenu du communiqué de presse de l’armée burundaise. « La Force de Défense Nationale du Burundi, indique le document, voudrait porter â la connaissance de la communauté tant Nationale qu'internationale que le sol burundais ne peut pas être le sanctuaire des éléments armés qui perturbent la sécurité des pays voisins.

Par contre, les militaires de la FDNB ont la mission d'œuvrer constamment à ce que la sécurité soit bien assurée sur les frontières que le Burundi partage avec ses voisins. » Dont Acte!


Cependant, les Interahamwe disposent de leurs propres infrastructures et de leurs camps- bases. Ils sont autonomes et n'ont nul besoin d'utiliser les camps militaires burundais pour lancer des attaques contre le Rwanda. Par conséquent, ils peuvent prendre des initiatives dont la Force de Défense Nationale du Burundi (FDNB) est forcément informé au préalable. Evidemment. Car, la dite FDNB accorde un appui logistique aux FDLR pour effectuer, notamment, des regroupements de leurs troupes d'un campement à un autre. En outre, des Généraux burundais louent aux FDLR des camions de transport de ravitaillements. Il n’y a pas de petits profits !

Les effets militaires saisis sur les combattants de Ruheru portent des inscriptions/idetifications de l'armée burundaise

Selon le témoignage d'un militaire de l'armée burundaise appartenant au bataillon 411 stationné à Ndora, dans la commune de Bukinanyana, en province de Kayanza, « l'attaque était réelle. Absolument réelle, insiste-t-il. Elle a eu lieu pendant la nuit du jeudi au vendredi, du 25 au 26 juin 2020 », précise-t-il.

« Les premières informations, ajoute-t-il, ont commencé à circuler vers 01:45. Les Interahamwe affirmaient qu'ils avaient déjà pris Gikongoro et une partie de Butare située dans le district de Nyaruguru au Rwanda. Les assaillants, selon des informations qui filtraient des rangs du FDLR, étaient très combattifs et la guerre était intense. »

« Par ailleurs, indique un autre témoin habitant à Bubanza, il y avait beaucoup de mouvements des FDLR dans la forêt de la Kibira au Burundi ces derniers jours. Des troupes FDLR, provenant de la partie de la Kibira située plus au sud en province de Bubanza, étaient montées en direction de la province de Cibitoke. Ces mouvements étaient observables mercredi 24 et jeudi 25 juin 2020. Beaucoup de manœuvres ou d'opérations étaient visiblement en cours dans la Kibira, ajoute-t-il. Cependant, personne ne savait vraiment ce qu'il s'y passait avec précision. En outre et contrairement aux habitudes, a-t-il précisé, les Imbonerakure n'ont pas reçu l'autorisation de rejoindre les Interahamwe dans la forêt de la Kibira. Ils sont restés dans la périphérie des campements des Interahamwe sans pouvoir pénétrer dans la forêt. A titre d'exemple, ils n'ont pas pu accéder à l'emplacement où se trouve une piste d'atterrissage pour les hélicoptères de l'armée burundaise.

Du reste, a-t-il ajouté, même ces hélicoptères ne viennent plus ces jours-ci. » « Enfin, indique le même témoin de Bubanza, beaucoup de camions circulaient de nuit ces jours-ci. De mercredi à jeudi par exemple. Un camion pouvait faire environ trois tours en une nuit. Les camions déchargeaient leurs cargaisons et revenaient à plusieurs reprises. Plus au nord, à Bukinanyana, ajoute-t-il, on observait les mêmes mouvements. Les camions déchargeaient et repartaient de nuit. »

Des félicitations intrigantes !

Après la décision controversée du Conseil Constitutionnel qui a proclamé Evariste Ndayishimiye vainqueur des élections du 20 mai 2020, des messages de félicitations lui ont été envoyés par quelques Etats dont le Rwanda. Le vainqueur contesté a également reçu des félicitations de la part de personnalités politiques et d'organisations qui placent carrément Evariste Ndayishimiye dans le camp des forces hostiles au gouvernement rwandais.

Mme Victoire Ingabire, l'opposante emblématique de Kigali dont la collaboration présumée avec les FDLR constituait l'un des chefs d'accusation au cours d'un procès que la Justice rwandaise lui a intenté, a été la première pour tweeter son message de félicitations à Evariste Ndayishimiye le 27 mai 2020.

Les Burundais qui souhaiteraient en savoir davantage sur le processus judiciaire évoqué plus haut et concernant Mme Victoire Ingabire pourraient consulter trois dossiers éclairants. Le Jugement de la Haute Cour de Kigali qui figure dans le dossier relatif au Cas criminel No. RP 0081-0110/1O/HC/KIG a été prononcé le 30 Octobre 2012. Et le Jugement rendu par la Cour Suprême du Rwanda, en Appel et en matière criminelle, figure dans le dossier No. RPA 0255112. Il a été rendu le 13 Décembre 2013.  Après ces deux Jugements, Mme Victoire Ingabire Umuhoza a introduit une plainte en Appel contre le Rwanda auprès de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Le dossier judiciaire porte le numéro 003/2014 et le Jugement rendu à la suite de cette plainte date du 24 Novembre 2017. Détail important. Ce dernier Jugement « instruit le Rwanda de prendre toutes les mesures pour restaurer les droits de la Plaignante et de soumettre à la Cour un rapport sur les mesures prises dans un délai de six (6) mois. »

Le 26 mai 2020, comme en écho aux félicitations de Mme Victoire Ingabire, le Président a.i des FDLR, le Lieutenant-Général Victor Byiringiro, a envoyé aussi un message dithyrambique à Evariste Ndayishimiye. Il est ainsi libellé.  « Excellence Monsieur le Président élu.A l'occasion de votre brillante et démocratique élection du 20 Mai 2020 à la magistrature suprême de la République du Burundi, les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda, FDLR en sigle, ont l'insigne honneur de vous adresser leurs vives et sincères félicitations. Elles vous souhaitent pleins succès dans l'accomplissement de votre noble mission.

Excellence Monsieur le Président élu, dans le cadre de leur lutte de libération de leur patrie, le Rwanda, contre les impérialistes et les hégémonistes, et toujours soucieuses de contribuer au retour de la paix dans la région des Grands Lacs Africains, les FDLR vous prient de ne ménager aucun effort dans la recherche d'une solution durable au problème rwandais.

Que la volonté de Dieu Tout Puissant et Miséricordieux vous éclaire et vous accorde longue vie. »Le 5 juin 2020, le dossier des félicitations enthousiastes adressées à Evariste Ndayishimiye s'est enrichi d'un autre message étrange envoyé par M. Emmanuel Gashamba Habyarimana.

« La communauté Hutu Congolais, coordination provinciale du Nord-Kivu, écrit-il, adresse ses sincères félicitations à son Excellence Monsieur le Nouveau Président du Burundi Evariste NDAYISHIMIYE. En effet, les dispositions pratiques prises par le Président sortant Pierre NKURUNZIZA ont rassuré la tenue favorable des élections présidentielles sans incidents majeurs. Ce signal fort d'une démocratie vivante est aussi un facteur important que nous encourageons. Qu'Il plaise à l'Eternel Tout Puissant d'accompagner le nouveau Président de la République dans ses différentes visions sur le Burundi. »


Le message de la Communauté Hutu Congolais est surprenant pour sa candeur et son étrange myopie. Cette communauté porterait-elle le masque anti-Covid au mauvais endroit? A savoir sur les yeux et non sur le nez et la bouche ? Car, de toute évidence, elle n'a jamais entendu parler des innombrables persécutions, emprisonnements, tortures et assassinats perpétrés contre les militants de l'opposition et particulièrement des militants du Congrès National pour la Liberté (CNL), le parti d'Agathon Rwasa à qui la victoire a été volée précisément.

En outre, la majorité des victimes du régime burundais et le candidat du CNL lui-même sont Hutu. Comme Evariste Ndayishimiye. Comme Emmanuel Gashamba Habyarimana. La Communauté Hutu Congolais a-t-elle félicité Evariste Ndayishimiye parce qu'il est Hutu ou parce qu’il a été désigné comme Chef d’Etat par un quarteron de Généraux eux-mêmes tous Hutu par la grâce de Dieu ? Enfin, la Communauté Hutu Congolais aurait-elle félicité un Président élu à la tête du Burundi si celui-ci avait été Tutsi ? Le doute est permis !

Last but not least !  

Le 6 Juin 2020, le Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale de la République du Rwanda a lui aussi transmis « un message de félicitations que le Gouvernement de la République du Rwanda adresse au Gouvernement de la République du Burundi, à l'occasion de l'élection du Général Major Evariste NDAYISHIMIYE à la Présidence du Burundi. »

Il est libellé en ces termes :« Le Gouvernement de la République du Rwanda voudrait adresser ses félicitations au nouveau Président élu de la République du Burundi, le Général Major Evariste NDAYISHIMIYE, et saisit cette occasion pour exprimer sa volonté d'œuvrer à l'amélioration des relations historiques qui existent entre les deux pays frères. Le Gouvernement de la République du Rwanda souhaite bonne santé, paix et prospérité au peuple et au Gouvernement de la République du Burundi, en particulier pendant cette période difficile de la pandémie de COVID-19.»

Audacieuse opération de diplomatie positive de la part du Gouvernement rwandais ! Quand on sait l'opinion qui prévaut dans les milieux du CNDD-FDD à propos du Rwanda et sur son gouvernement. Le gouvernement du Rwanda a d’ailleurs poussé l'élégance diplomatique à l'égard du Burundi à un niveau très élevé. Car il a décrété la mise en berne des drapeaux du pays jusqu'à l'enterrement de Pierre Nkurunziza survenu le 26 juin 2020. Peine perdue !

Car, c'est précisément, le lendemain de l'enterrement de Pierre Nkurunziza à Gitega qu'un détachement d'environ 100 combattants a attaqué le village modèle de Ruheru au Rwanda. Et, le lundi 29 Juin 2020, le Rwanda exigeait des explications sur cette attaque armée. Le réveil a été brutal ! Retour à la case départ de l’hostilité atavique du régime du CNDD-FDD contre le Rwanda.

Un communiqué de presse émanant de Kigali indique effectivement que « Le Rwanda a demandé des explications au gouvernement burundais et des mesures immédiates pour appréhender un groupe d'éléments armés qui ont attaqué un village du district de la province du sud de Nyaruguru. »

« Le Ministère des Affaires Etrangères et de la coopération internationale de la République du Rwanda, poursuit le communiqué, a écrit au Ministère des Affaires Etrangères de la République du Burundi pour lui demander des explications sur l'attaque par des assaillants non identifiés du Burundi et a exhorté le Gouvernement burundais à prendre toutes les mesures nécessaires afin que les coupables de cet acte criminel, qui se sont retirés au Burundi, soient rapidement arrêtés et traduits en justice ou extradés vers le Rwanda afin qu'ils puissent répondre de leurs actes. »


Cerise sur le gâteau qui aura un goût très amer pour le Rwanda. Evariste Ndayishimiye a nommé, au sein du nouveau gouvernement du Burundi, un Ministre des Relations Extérieures et de la Coopération, M. Albert Shingiro, connu pour avoir tenu, alors Ambassadeur du Burundi auprès de l'organisation internationale et au cours d'une séance du Conseil de Sécurité des Nations Unies, des propos véhéments et inacceptables pour les victimes du génocide des Tutsi rwandais, pour le gouvernement rwandais et pour la communauté internationale. Le nouveau chef de la diplomatie burundaise a parlé de «présumé génocide des Tutsi du Rwanda de 1994.» Des propos d'un négationnisme cynique et glaçant. La diplomatie suffira-t-elle pour réparer les dégâts provoqués par les propos de M. Albert Shingiro dont la mère est Tutsi pourtant ?

L'heure du choix décisif a sonné !


Que s'est-il passé pour que les relations entre le Rwanda et le Burundi se détériorent à ce point, si brutalement et si dangereusement ? Rien de nouveau sous le soleil. Les analystes qui suivent les relations entre les deux pays ne sont guère surpris. Depuis plusieurs années, le régime burundais alimente des polémiques incessantes contre le Rwanda.


En particulier, depuis la répression sanglante des manifestations contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza en 2015, lequel a provoqué l’exil massif de centaines de milliers de réfugiés qui ont trouvé refuge dans les pays voisins du Burundi, dont le Rwanda, des défilés populaires ont été organisés périodiquement dans les rues de Bujumbura et ailleurs dans le pays. Occasion pour la milice Imbonerakure du CNDD-FDD d'abreuver d'injures et les Koroni (colons) et le Rwanda. Occasion de promettre aussi « de lessiver Paul Kagame himself ». Vingt Dieux !

Alors que le Burundi doit encore 4 millions de dollars que le Rwanda lui a prêtés pour payer sa cotisation afin d'être admis au sein des pays de la Communauté Est Africaine, est-ce une manière de reconnaissance ? Est-ce une façon d’entretenir l’espoir que cette dette sera annulée si le CNDD-FDD entretient la tension et provoque constamment le voisin du nord ?


L’heure du choix décisif a sonné. En effet, il sera difficile pour Evariste Ndayishimiye de rester dans le flou, dans une position inconfortable entre les FDLR et le gouvernement de Paul Kagame. L’ambiguïté et le double jeu ne sont plus tenables. Le vieux principe « l’ennemi de mon ami est mon ennemi » va lui imposer rapidement un positionnement courageux s’il rompt avec les FDLR ou suicidaire s’il se lance dans l’aventure de la guerre avec Kigali. Or, Evariste Ndayishimiye sera-t-il capable de faire le bon choix ? A savoir éteindre le feu de brousse qui menace et essayer de normaliser les relations avec le Rwanda ? Rien n’est moins sûr.


Pourra-t-il arrêter l'escalade verbale contre le Rwanda, enterrer la hache de guerre et interdire aux Interahamwe de poursuivre le processus des préparatifs de la guerre contre ce pays ? Evariste Ndayishimiye a-t-il les moyens militaires et la volonté politique pour neutraliser rapidement les Interahamwe ? Ou alors, restera-t-il dans la logique de sa déclaration lors de l’entretien avec l’un des ténors de l’opposition burundaise dans sa chambre d’hôte à Arusha en 2018?

Un habitant de Mabayi, en province de Cibitoke, à qui était posée la même question concernant la capacité d'Evariste Ndayishimiye à arrêter le processus de la guerre des Interahamwe contre le Rwanda et d'imposer aux FDLR et à leurs familles installées au Burundi le statut de réfugiés avait été catégorique: « Non il ne peut pas.Car cette guerre, avait-il indiqué, est préparée par son parti, le CNDD-FDD depuis longtemps, depuis 2006, précisément. Année où un contrat de partenariat a été signé entre la régime burundais et les Interahamwe alors installés en RDC. »


En outre, en dehors de l'affinité idéologique évidente entre les Interahamwe et les membres de l'Association Zirikana UB-95, l'équivalent de l'Akazu de Juvénal Habyarimana, laquelle association constitue un club fermé, le noyau dur du « Hutu Power » au sein du CNDD-FDD, la guerre contre le Rwanda fait l'affaire de quelques généraux qui en profitent pour gagner beaucoup, beaucoup d'argent. Par conséquent, cette guerre des FDLR contre le Rwanda et pour laquelle le Burundi sert d'arrière-pays aux Interahamwe est, selon l’analyse de l’habitant de Mabayi, absolument inévitable.


Pour les FDLR elle est forcément inévitable. Parce qu’elles ne sont pas installées au Burundi pour les beaux yeux de leurs partenaires qui dominent le CNDD-FDD et les institutions de la République. En outre, cette guerre contre le Rwanda est appuyée, au Burundi, par beaucoup de militaires, de policiers, d'agents du renseignement et les fameux Imbonerakure.


Cependant, jusqu'à quand ces alliés burundais des Interahamwe joueront-ils le jeu dangereux de la guerre à tout va ? Jusqu'à quand Evariste Ndayishimiye jouera-t-il avec le feu sans prendre le risque insensé d'embraser toute la région des Grands Lacs ? Le Burundi y compris. Et au passage en se tirant plusieurs balles dans les deux pieds ?

Tags: