La réussite du processus de paix de Nairobi est tributaire de la prise en  compte des causes lointaines des conflits en RDC

Le phénomène de conflit en RDC est un paradoxe très énigmatique. La RDC est un Etat souverain né des cendres de l'historique Conférence de Berlin (1885) et signataire de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, des pactes et conventions internationaux sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales et de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales, mais quelle ne respecte guère.

Par
Alex Mvuka
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3.12.2022
Categorie:
La Region

Le processus de Nairobi a débuté ses travaux le 27 Novembre 2022 à l’Hôtel Safari Park de Nairobi au Kenya. Il a pour objectif, entre autres, de restaurer la paix dans l’Est de la République Démocratiques du Congo (RDC). Les dialogues inter-congolais dits sur la restauration de la paix à l’Est de la RDC sont innombrables et n’ont malheureusement pas abouti à cette  paix tant voulue par tout le monde.

La raison majeure est le fait que les causes lointaines des conflits ne sont pas souvent les sujets prioritaires. Il est urgent que les médiateurs puissent saisir cette opportunité pour se focaliser aux causes principales et non les conséquences.

Le phénomène de conflit en RDC est un paradoxe très énigmatique. La RDC est un Etat souverain né des cendres de l'historique Conférence de Berlin (1885) et signataire de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, des pactes et conventions internationaux sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales et de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales, mais quelle ne respecte guère. La RDC a signé et ratifié la Convention Internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et est partie à la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques adoptées par l'Assemblée Générale de l'ONU, mais elle fait fi de ses conventions et déclarations.

 

Malgré ces engagements qui caractérisent un état de droit, où l’autorité de l’Etat doit s’imposer pour réguler les relations sociales, le vivre ensemble et la cohabitation pacifique des citoyens, la RDC est aujourd’hui profondément touchée par des crimes odieux, massacres sélectifs, traitements inhumains et dégradants, viols de femmes et d'enfants et violations massives de leurs droits et libertés fondamentales, vols et spoliations des biens privés des populations innocentes commis sur fond de discrimination ethnique. Et, tout ceci en totale impunité. Les commanditaires et exécutants de ces crimes odieux, massacres sélectifs et propagandistes des discours de la haine incitant à commettre ces actes vaquent à leurs occupations sans que personne ne puisse lever  le petit doigt.

Ces commanditaires se recrutent dans tous les rangs sociaux ; de politiciens qui sont au perchoir, en passant par certains officiers et officiels mandataires dans les institutions étatiques, les chefs des partis politiques, les membres de la société civile que d’aucuns appellent désormais « si vile », jusqu’au Kuluna (enfants de la rue) et au plus petit de la société congolaise. Ceux qui osent décrier sont soit intimidés, arrêtés voire même tués

En vue de favoriser pleinement et sincèrement la résolution, la prévention, la gestion pacifique et non violentes des conflits inter-ethniques ou horizontaux qui endeuillent la Région de deux Kivu et pour que s'arrêtent à jamais le nettoyage ethnique perpétré par les milices Maï-maï et leurs alliés génocidaires des Tutsis au Rwanda en 1994, ainsi que par certains éléments de l’armée en présence, il est impératif que l’Etat congolais mette en pratique les recommandations de ces conventions et chartes signées. La paix durable dépendra donc, de la résolution de ces problèmes fondamentaux qui sont aussi des causes lointaines :

• La question des minorités ethniques, crises identitaires et nettoyages ethniques doit être une urgence sur l'agenda de la paix en RDC.  

• L’éradication des discours de haine contre les Tutsis. Ces discours sont devenus une ressource pour accéder au pouvoir politique et donc une raison pour perpétuer ces violences. Les institutions de sécurité ont échoué à imposer leurs autorités équitablement.

• La résolution définitive de la crise identitaire. Il y a eu des révisions importantes de la constitution congolaise en 2006 après le Sun City avec des mesures qui servent à protéger les groupes minoritaires. Mais il y a souvent un manque de volonté à réhabiliter l'identité falsifiée des Tutsis congolais comme partie intégrante de la nation congolaise pour faciliter la cohabitation pacifique entre ethnies.

• La restauration des chefferies de minorités. L’état doit amender la Carte Ethnographique en vigueur en RDC tout en y mentionnant expressément les divers petits groupes ethniques oubliés et particulièrement les minorités nationales ou ethniques du Sud-Kivu et Nord Kivu tout en réhabilitant leurs chefferies traditionnelles spoliées, au même titre que les autres collectivités

• L’impunité règne sur toute l’étendue du pays. Il n’y a pas encore  de tribunal international pour enquêter et juger les crimes, massacres, viols et violations massives des droits l'homme commis sur les Banyamulenges en particulier, et les Tutsis congolais en général depuis 1996 et des crimes de guerre commis sur d'autres populations civiles innocentes comme les Tutsis du Nord Kivu depuis1993. Les indemnisations des familles victimes et dont les biens ont été spoliés n’ont pas eu lieux.

• L’exécution de la politique de la décentralisation de la RDC a eu des résistances de l’élite congolaise. Et pourtant cette réforme pourrait rapprocher l'administration des administrés afin de favoriser l'interdépendance des communautés et d'assurer le développement local et la sécurité publique

• Il n’y a pas de révision des programmes d'histoire enseignés en RDC qui consacrent la division des composantes ethniques de la nation congolaise en autochtones et allochtones, privilégiant de fait des ethnies majoritaires sur base d'une antériorité supposée d'occupation des terres, alors qu'en dehors des populations pygmées et selon l'Histoire des migrations africaines, toutes les autres ethnies sont en effet venues de quelque part.

• Seule la volonté consciente des Congolais et des Kivutiens en particulier suffit pour le dénouement à l'amiable et la résolution pacifique des conflits inter-ethniques récurrents qui déchirent la RDC et ensanglantent particulièrement les provinces du Sud et Nord Kivu depuis plus de trois décennies.

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Alex Mvuka

Doctorant en Sciences Politique et Relations Internationales, Université de Kent. Il est analyste politique sur la région des grands lacs et directeur du Centre de Recherches et d’Analyses sur la Région des Grands Lacs